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QUESTION D'ACTU

Droits des femmes

Pologne : le Parlement se prononce sur l'interdiction de l’IVG

Le Parlement polonais examine deux propositions de loi ce 23 septembre. L'une interdit l'avortement, l'autre assouplirait les règles. La première est soutenue par 500 000 Polonais.

Pologne : le Parlement se prononce sur l'interdiction de l’IVG Alik Keplicz/AP/SIPA




Ce 23 septembre pourrait marquer un grand bond en arrière pour la Pologne. Ce pays d’Europe de l’Est autorise l’avortement sous des conditions strictes. Mais une menace d’ampleur plane sur ce droit : le Parlement débat d’une interdiction totale, soutenue par un demi-million de Polonais. Si la loi est votée, les grossesses consécutives à des viols ou des incestes ne pourront plus être interrompues. Les IVG seront aussi refusées aux femmes enceintes de fœtus souffrant d’une malformation grave ou d’une maladie grave.

L’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est déjà problématique en Pologne. Les médecins doivent donner leur aval, et seuls les centres approuvés par l’Etat peuvent la pratiquer. Un chemin semé d’embûches qui explique le faible recours à la loi : seuls 2 000 actes légaux sont pratiqués chaque année dans le pays. De fait, seules trois justifications ouvrent le droit à l’avortement : après un viol, un inceste, ou si le fœtus est sévèrement malformé. Les femmes qui ne souhaitent pas mener une grossesse à terme se tournent donc vers les pays voisins… ou les techniques artisanales. Ce sont ces mêmes restrictions, et les risques qu’ils occasionnent, qui ont poussé l’association féministe Women on Waves à lâcher des pilules abortives par drone en juin 2015.

Deux propositions concurrentes

La loi de 1993 est largement soutenue par le peuple polonais : 80 % soutiennent l’IVG si la vie de la mère est menacée, presque autant en cas de viol ou d’inceste, et 53 % si le fœtus est malade. Ils sont en revanche une large majorité à désapprouver ce geste si la femme ne souhaite pas enfanter. La forte tradition catholique du pays explique sans doute cela. Mais le statu quo est en péril. Depuis ce 22 septembre, le Parlement examine deux propositions opposées : l’une renforce les droits des femmes, l’autre les affaiblit considérablement.

Le texte qui reçoit le plus de soutien est malheureusement celui du lobbying pro-vie. Le Comité Stop Avortement a reçu le soutien de 400 000 Polonais. Il propose une interdiction pure et simple de l’IVG et une sanction de 5 ans de réclusion pour les contrevenantes. Dans une contrepartie faussement généreuse, le comité propose une aide accrue de l’Etat aux femmes qui auraient mené une grossesse contre leur gré. Les défenseurs des droits des femmes ne s’y trompent pas : il ne s’agit que d’un écran de fumée. Le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) s'est lui-même saisi du dossier (voir encadré).

Des allers-retours constants

A l’inverse, des associations féministes demandent un assouplissement de la loi, afin qu’elle autorise l’avortement jusqu’à la 12e semaine de grossesse. La réglementation serait ainsi plus proche de nombreux pays d’Europe – à l’exception notable de l’Irlande, et de Malte. Ce texte a recueilli les signatures de 200 000 Polonais. Affirmer que les résultats des débats sont très attendus relèverait de l’euphémisme.

L’interruption volontaire de grossesse est loin d’être un sujet apaisé en Pologne. En mars 2016 déjà, une proposition a fait descendre les Polonais dans les rues de Varsovie. Les épouses d’anciens présidents se sont même mobilisées pour défendre les droits des femmes. En fait, l’histoire polonaise est faite d’allers-retours concernant l’avortement. Jusqu’en 1932, le geste était interdit, sans exception. Des exceptions médicales ont été acceptées jusqu’en 1956, l’occupation nazie ayant marqué une parenthèse. L’IVG a ensuite été ouverte aux femmes dont les conditions de vie étaient difficiles. La chute du communisme dans le pays a été l’occasion d’une nouvelle restriction : seules les femmes dont la survie était menacée pouvaient demander une interruption de la grossesse. La plus belle avancée s’est produite en 1997, lorsque le Parlement a ouvert l’acte aux patientes en détresse sociale ou émotionnelle. Jugée non constitutionnelle, la loi a été abandonnée pour revenir au statu quo de 1993.

La colère du Haut comité pour l'égalité

Une « loi liberticide et réactionnaire » : voilà comment le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) qualifie la proposition de loi anti-avortement. Dans un communiqué, l’institution française condamne un tel recul. « L’autonomie des femmes repose sur la maîtrise individuelle de leur fécondité », tranche le Conseil qui en appelle à l’Europe pour inscrire le droit à l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux. L’Union européenne, le Conseil de l’Europe, la Commission et le Parlement européens sont nommément interpelés. Le HCEfh rappelle aussi les obligations auxquelles se plie la Pologne : lutter contre les discriminations, sécuriser l’accès à l’avortement et respecter le droit à la vie ainsi que celui au respect de la vie privée et familiale. De telles lois qui rabaissent les femmes au niveau de reproductrices « renvoient à des périodes autoritaires et sombres en Europe », conclut le Haut Conseil.

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