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QUESTION D'ACTU

Entretien avec le Pr Philippe Menasché

Insuffisance cardiaque : les promesses de la thérapie cellulaire

ENTRETIEN. En dix ans, la France a réussi à rattraper son retard dans le domaine de la thérapie cellulaire et à réaliser la première greffe au monde de cellules souches cardiaques.

Insuffisance cardiaque : les promesses de la thérapie cellulaire DURAND FLORENCE/SIPA


  • Publié le 29.10.2015 à 19h33
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  • Mise à jour le 29.10.2015 à 22h30
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Lorsque les chercheurs en thérapie cellulaire regardent 10 ans en arrière, ils ne peuvent que constater le bond de géant qu’a fait la France. Pourtant, le défi était de taille et loin d’être gagné. Pour combattre à armes égales contre ses voisins américains ou britanniques, la France a du revoir sa législation et autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires. C’était en 2005.
Aujourd’hui, l’heure des premiers essais cliniques chez l’homme est arrivée. Et si la France semblait au départ mal partie, elle réalise pourtant en octobre 2014 une première mondiale : l’implantation de cellules souches cardiaques chez une femme de 68 ans atteint d'insuffisance cardiaque sévère.
Le Pr Philippe Menasché, à la tête de la première équipe française à tenter l’aventure de la thérapie cellulaire, revient sur son essai clinique de phase I et l’avenir de ce domaine de recherche.

En quoi consiste cette thérapie cellulaire ?

Pr Philippe Menasché : C’est un traitement qui s’adresse aux patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère. Le principe est d’essayer de recoloniser une zone d’infarctus en y implantant des cellules cardiaques issues de cellules souches embryonnaires humaines. Ces cellules sont pluripotentes, c’est-à-dire qu’elles ont la capacité de donner naissance à tous les types cellulaires.
Dans notre cas, elles ont été spécialisées en cellules cardiaques. Ensuite, nous les avons incorporées dans un patch - l’équivalent d’un pansement – que l'on dépose sur la zone de l’infarctus. Pour des raisons éthiques, il est hors de question d’opérer un patient à cœur battant uniquement pour implanter ce patch. Nous réalisons donc un pontage en plus de la greffe.

Quels sont les objectifs de cet essai ?

Pr Philippe Menasché :  C'est la première fois que ce traitement est utilisé chez l’homme. Avec le recul d’un an, on peut dire que objectif de sécurité a été atteint. Il n’y a eu aucune complication, aucun trouble du rythme, aucune tumeur. C’est toujours la crainte que l'on peut avoir avec des cellules qui au départ étaient pluripotentes et qui pourraient se mettre à proliférer de façon incontrôlée.
L’autre objectif principal de cet essai était la faisabilité. La réponse est oui, donc on a déjà franchi une étape. Ensuite du point de vue de l’efficacité, il y a une amélioration très nette de sa fonction cardiaque et de la contractilité dans la zone où j’ai implanté le patch. Pour autant, je pense qu’il serait à la fois absurde et malhonnête de dire que cette paroi bouge à nouveau grâce au patch de cellules cardiaques puisque nous réalisons un pontage. Il faut rester prudent mais c’est une étape et il faut commencer par là.

 

Ecoutez...
Philippe Menasché, chirurgien cardiaque à l'Hôpital européen Georges Pompidou : « C’est la raison pour laquelle vous me voyez toujours très réservé quant à l’interprétation de l’efficacité. D’abord parce que je pense que c’est totalement absurde de tirer des conclusions d’efficacité d’une observation unique et ensuite parce qu’il y a ce facteur confondant. »

 

Où en est aujourd’hui la thérapie cellulaire en France ?

Philippe Menasché : Plusieurs programmes sont en cours de développement. L’un d’eux porte sur des pathologies de la rétine. Il est mené conjointement par l’Institut de la vision, I-stem et le laboratoire de thérapie cellulaire de Saint-Louis. Un autre programme s’intéresse quant à lui au traitement de l’ulcère cutané dans la drépanocytose.

La France rattrape son retard. Comment avons-nous fait ?

Philippe Menasché : C’est la conséquence d’un modèle hospitalo-universitaire qui est très spécifique à la France. et il faut bien le reconnaître,  un certain nombre de nos collègues nous envient. Il repose sur l’étroite imbrication entre le domaine de la clinique et celui de la recherche. Cette interaction étroite est illustrée par les relations qui existent entre l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’Inserm et l’université. C’est une système dynamisant qui nous a en grande partie permis de rattraper le retard que nous avions accumulé.

Et l’avenir ?

Philippe Menasché : Il nous reste à travailler beaucoup, à comprendre, à analyser les résultats et à réfléchir comment les améliorer. Notre essai clinique est une étape dans un chemin qui est encore long et dont je ne sais pas où il nous mènera. Au bout du compte, je crois que la thérapie cellulaire sera une option parmi d’autre et ne sera pas la panacée. Ce ne sera pas un traitement miracle mais si c’est un traitement qui peut améliorer la qualité de vie des patients alors on n’aura pas totalement perdu notre temps.

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