S’il y a un détail qui ne trouble pas l’observateur qui admire La nuit étoilée, le chef-d’œuvre de Vincent Van Gogh, c’est bien la couleur bleue du ciel. Les enfants lorsqu’ils dessinent, ou les cinéastes lorsqu’ils tournent des scènes de nuit en plein jour, font le même choix que le peintre néerlandais, un choix que nous comprenons tous : la nuit est bleue.
Pourtant, la nuit est noire. Les photographes le savent bien, et s’il est une couleur qui prédomine dans la pénombre, c’est plutôt le jaune des lumières artificielles, qu’il faut compenser par des retouches chromatiques. Si nous voyons la nuit bleue, c’est en fait une histoire de neurones qui bloquent les autres couleurs, d’après des chercheurs de Caltech (États-Unis) qui publient leurs résultats dans Nature.
Cônes et bâtonnets
La vision repose sur deux types de photorécepteurs, des neurones présents dans la rétine qui captent la lumière. Les cônes, d’une part, sont spécialisés dans la vision diurne et dans la perception des couleurs. Ils sont de trois types, comme pour le système colorimétrique des écrans : rouge, vert et bleu. Les bâtonnets, 25 fois plus nombreux, gèrent la vision crépusculaire et nocturne, et transmettent en noir et blanc.
Dans la rétine, des cellules neuronales dites « horizontales » reçoivent ces transmissions et gèrent leur utilisation en fonction de la luminosité. Grâce à des expériences menées chez la souris, les chercheurs de Caltech sont parvenus à montrer que dans la nuit, ces cellules bloquent les couleurs vertes et rouges. Le cerveau ne reçoit ainsi que les signaux provenant du bleu.
La vie en bleu
« Lorsque la lumière est très faible, les cônes ne reçoivent pas assez de photons pour fonctionner, mais ils continuent d’émettre un signal constant et faible, indépendant de la lumière, explique le Pr Markus Meister du département de biologie de Caltech et auteur principal de l’étude. Les bâtonnets sont actifs, et lorsque leur signal passe par les cellules horizontales, ils inhibent indirectement ceux des cônes rouges et verts. » Les cônes bleus sont alors les seuls actifs, et notre univers nous apparaît bleu.
Ce ne sont donc pas les photos prises la nuit qui ont une couleur infidèle à la réalité, mais nos yeux qui travestissent les images. Cette étude nous rappelle une fois de plus que notre système de perception est complexe et performant, mais ne nous permet d’appréhender qu’une version biaisée de la réalité.