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Etude française

Cancers : des risques différents selon le milieu socio-économique

ENTRETIEN - Alors que les personnes défavorisées sont plus à risque de cancer du poumon ou de l'estomac, les plus favorisées souffrent plus de mélanome. 

Cancers : des risques différents selon le milieu socio-économique s4visuals/epictura




Près de 15 000 cas de cancers pourraient être évités chaque année en France par l’amélioration des conditions de vie des populations défavorisées et le renforcement des efforts de prévention, rapporte une étude publiée ce 7 février dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Ces travaux – premier du genre en France - réalisés par l’unité Inserm « Cancers et prévention » (1) rappelle que le cancer demeure l’une des pathologies les plus marquées par les inégalités sociales dans notre pays.

Pour arriver à ces conclusions, le Pr Guy Launoy et ses collègues ont exploité toutes les données collectées en 2006 et 2009 dans 16 départements par le Réseau français des registres des cancers (Francim). Ils se sont surtout concentrés sur les 15 tumeurs solides et 3 hémopathies malignes les plus fréquentes en France. L’analyse a ainsi porté sur près de 190 000 personnes, dont 100 300 hommes. 

 

Pour quels cancers, observe-t-on des risques différents en fonction des catégories socio-économiques ?
Pr Guy Launoy : Chez les personnes défavorisées, les cancers des voies aérodigestives supérieures et le cancer du poumon sont plus fréquents. Ce sont des cancers connus pour cela. Mais nous avons été surpris d’observer que d’autres cancers, comme le cancer du foie, de l’estomac, de la vessie et sans doute du pancréas, étaient plus fréquents chez ces personnes.

Par ailleurs, nous avons observé toute une série de cancers plus fréquemment retrouvés chez les personnes qui vivent dans un environnement aisé. Il s’agit du cancer de l’ovaire et du sein, ainsi que le cancer de la prostate, ce qui est nouveau. Et puis pour les deux sexes, nous avons observé le mélanome, et c’est celui pour lequel le sur-risque est le plus marqué chez les personnes favorisées.

Retrouvez l'intégralité de l'interview du Pr Guy Launoy  : 

 

Pourquoi ces différences d’incidence ?
Pr Guy Launoy  : Chez les personnes vivant dans un milieu défavorisé, le sur-risque de cancers est lié pour la plupart au comportement tabagique ou aux choix alimentaires. Il faut aussi évoquer, en particulier pour le cancer du poumon, une exposition professionnelle mais également environnementale qui sont toutes deux socialement déterminées.

Du côté des cancers qui sont les plus fréquents dans les milieux favorisés, il faut évoquer des éléments plus complexes. Pour le mélanome ou le cancer de l’ovaire, il existe certainement des facteurs de risques plus fréquents chez les personnes favorisées. Cette notion étant nouvelle, je n’ai pas encore d’explications exhaustives à donner. Il faudra mettre en place des études nous permettant de comprendre pourquoi ces deux cancers sont plus fréquents dans cette population. En revanche, pour le cancer de la prostate, et dans une moindre mesure le cancer du sein, nous pouvons citer des mécanismes liés au dépistage. Nous pensons qu’une grande partie de la sur-incidence du cancer de la prostate est liée au sur-diagnostic induit par ce dépistage.

Vous insistez sur la nécessité de mettre en place des actions de prévention ciblées sur les populations défavorisées. Les médecins ont-ils un rôle à jouer ?
Pr Guy Launoy  : On peut imaginer que le médecin soit particulièrement attentif aux messages autour de la promotion de la santé et la pratique du dépistage lorsqu’il sait que ses patients viennent d’un milieu socio-économique défavorisé. Mais on ne peut pas tout demander aux médecins dans ce domaine là.

Pour réduire les inégalités sociales de santé, il faut qu'il y ait des choix politiques qui nous permettent de rectifier la ligne. Il faut par exemple trouver des solutions pour porter le message de dépistage et de prévention de manière plus efficaces dans les groupes défavorisés. Cela passe par exemple par l’implication de travailleurs sociaux ou une réflexion autour de la Mammobile (service itinérant de dépistage du cancer du sein, ndlr). Il y a plein de pistes à explorer. Et plus généralement, la réduction de ces inégalités passe par des politiques de la ville, du logement et de l’emploi pour que le stress lié à un environnement socioéconomique défavorisé ne se transforme pas en maladies chroniques.


(1) U1086 Inserm-UCBN, Cancers et préventions, Équipe labellisée Ligue contre le cancer, Caen, France. Ces travaux ont été menés par Joséphine Bryere.

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