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Grève générale

Guyane : les médecins au bord de l'asphyxie

La Guyane est en grève générale depuis le 27 mars. Les habitants réclament notamment une amélioration du système de santé.

Guyane : les médecins au bord de l'asphyxie NICOLAS QUENDEZ/SIPA




L’ambiance est à l’apaisement. Mais la colère est là, derrière les slogans martelés en créole guyanais. Et les manifestants ne sont pas près de lâcher. La Guyane est en grève générale depuis le 27 mars, et le mouvement se poursuit. Après les barrages, une marche a été organisée à Cayenne, le chef-lieu, et Saint-Laurent-du-Maroni, deuxième ville du département. Le gouvernement a finalement cédé sur l’envoi d’une délégation de ministres.

Ce 29 mars, les ministres de l’Intérieur et des Outre-mer Matthias Fekl et Ericka Bareigts sont donc attendus dans le plus gros département de France. Ils devront trouver des solutions pour amorcer la sortie de crise. La tâche n’est pas mince.

Beaucoup d’évacuations sanitaires

Insécurité, chômage, développement économique… Les récriminations sont nombreuses à l’égard du gouvernement. Par rapport à la métropole, la Guyane est à la traîne. Le secteur de la santé ne fait pas exception.
250 000 Français vivent dans ce département, à 7 000 km de la capitale. Mais le système de soins y est sous-développé. Côté hôpital, 7 établissements hospitaliers – dont deux publics – prennent en charge la population. En 2014, ils n’offraient que 380 lits pour 100 000 personnes. C’est deux fois moins qu’en métropole.

Or, le territoire de permanence des soins de Cayenne est le plus vaste de France. Et affirmer qu’il est sollicité à l’extrême relève presque de l’euphémisme. « On manque énormément de spécialistes, confirme Félix Ngomba-Wongola, médecin généraliste à Cayenne. Nous, généralistes, faisons de notre mieux pour pallier ce manque, et on redirige vers l’hôpital lorsque c’est possible. »

Mais même à l’hôpital, le manque est flagrant. Neurochirurgiens, cancérologues, diabétologues… la liste des professions absentes ou en tension est longue. Résultat : « on fait beaucoup d’évacuations sanitaires vers la métropole et les Antilles », selon le Dr Ngomba-Wongola.

Des hôpitaux fragiles

La Cour des Comptes a fait le bilan sur la santé en outre-mer en 2014. Il fait froid dans le dos. Les Sages de la rue Cambon décrivent le secteur hospitalier comme « l’armature du dispositif de soins ». Mais l’armature manque de solidité. Peu de ressources humaines, manque d’investissement matériel, absence de services : voici quelques unes des failles pointées par le rapport.

Il n’y a qu’à observer les deux principaux centres hospitaliers pour se convaincre de l’ampleur du problème. Saint-Laurent-du-Maroni accueille une des plus grandes maternités de France. Mais le service n’a été rénové qu’en 2014. L’hôpital de Cayenne, quant à lui, a été placé sous tutelle en mars 2016.

En ville, la situation n’est guère plus enviable. « La médecine ambulatoire joue un rôle essentiel, reconnaît la Cour des Comptes, mais elle est hétérogène et déséquilibrée par rapport à l’offre hospitalière. » De fait, en 2012, on ne dénombre 71 praticiens actifs dans le département. Ils sont surtout concentrés dans les villes.

Les zones plus relâchées, elles, doivent se contenter de centres de santé gérés par le CH de Cayenne. « La distance entre les campou et les centres de santé peut représenter plusieurs heures de pirogue », confiait récemment le Dr Yves-Marie Ducrot, médecin coordinateur adjoint des centres de santé de Guyane.

Les journées chargées d’un médecin

La Guyane est officiellement reconnue comme une zone déficitaire en généralistes libéraux. Pour les quelques médecins qui y exercent, la tâche est donc difficile. « On arrive le matin, vers 7 heures, et les cabinets sont remplis, raconte Félix Ngomba-Wongola. Les patients arrivent vers 4 heures du matin pour faire la queue. » Les motifs sont variés : médecine générale, dermatologie, infectiologie… « Le médecin généraliste en Guyane est surbooké et très polyvalent, parce qu’on n’a pas toutes les spécialités », résume ce médecin originaire de métropole.

Les praticiens qui exercent en Guyane sont unanimes : le département a mauvaise presse, à tort. « L’image de territoire difficile colle à la Guyane, concède le Dr Ngomba-Wongola. Elle a beaucoup d’atouts mais se vend très mal. »
Mais alors comment améliorer l’attractivité du département ? La Cour des Comptes estime qu’il faut développer « hardiment » la coopération entre professionnels de santé. Développer les internats sur le territoire pourrait aussi réconcilier avec ce bout de France. Félix Ngomba-Wongola va plus loin : il faut des incitations fiscales. « Une bonne publicité, des lois d’exonération fiscale et une bonne communication seraient des atouts non négligeables », résume-t-il.

En attendant une amélioration, les Guyanais l’ont compris : il faudra se débrouiller. Des tentatives sont régulièrement lancées pour essayer de réduire l’écart entre les villages isolés et les soignants, principalement autour de la télémédecine. Les grévistes, eux, ont fait le choix d’accorder un laissez-passer à tous les professionnels de santé. Preuve de leur place essentielle dans la société.

 

Des fonds débloqués pour les hôpitaux guyanais

Les réclamations ont été en partie entendues. Dans un communiqué paru ce 29 mars, la ministre des Affaires sociales et de la Santé et la ministre des Outre-mer, Marisol Touraine et Ericka Bareigts, ont annoncé des aides financières destinées aux hôpitaux de Guyane. Le CH de Cayenne recevra ainsi 20 millions d'euros, dès cette année, afin de « reconstituer sa trésorerie et régler ses dettes courantes sans tarder ». L'établissement pourra aussi compter sur 40 millions d'euros pour investir et moderniser ses outils et locaux.

Les autres centres hospitaliers ne sont pas en reste. A Kourou, la Croix-Rouge a accepté de ne pas céder les locaux à un opérateur privé. Reste à définir une solution viable pour l'établissement. Mais si la ministre de la Santé réaffirme son soutien aux hôpitaux, elle oublie une fois de plus les médecins libéraux. Ils sont pourtant, en Guyane plus qu'en métropole, au coeur du système de soins.

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