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Tuberculose : la malédiction des Inuits

Le gouvernement fédéral canadien récolte des données depuis dix ans sur les déportations et traitements imposés aux Inuits dans les années 1950.

Tuberculose : la malédiction des Inuits Musée McCord




5 240. C’est le nombre d’Inuits, enfants comme adultes, qui ont été déplacés entre 1953 et 1961 par les autorités canadiennes, sur les 11 500 que comptait la communauté autochtone à l’époque. Ils avaient été envoyés dans le sud du pays pour être traités contre la tuberculose.

Pour beaucoup d’entre eux, ce voyage était sans retour. Et leurs familles n’ont reçu aucune information sur le devenir de leurs proches. Ni même sur l’emplacement de leurs tombes.

Mais après plus de 50 ans de silence, le gouvernement fédéral canadien devrait bientôt rendre publiques certaines de ces informations, qui ont pu être rassemblées au cours des dix dernières années, rapporte le site canadien Lapresse.ca.

Trouvons-les

En 2008, le programme Nanilavut – qui signifie « trouvons-les » – a été lancé. Une équipe de chercheurs a fouillé les archives fédérales, provinciales et territoriales, les registres religieux, de cimetières ou d’hôpitaux, et a recueilli des témoignages personnels.

Les données sont encore incomplètes, reconnaît Elizabeth Logue, responsable du programme. Mais des informations, même partielles, ont été trouvées pour environ 4 500 Inuits déplacés.

« Certains dossiers contiennent des détails sur les traitements et le retour des patients dans leur communauté, rapporte le site canadien. D'autres dossiers parlent seulement des traitements reçus, sans préciser si le patient a survécu ou non. Des dossiers mentionnent un décès du patient, mais sans précision sur l'endroit où le corps a été enterré. Finalement, quelques dossiers renferment toutes les informations nécessaires, du traitement jusqu'au lieu d'inhumation. »

Des malades déracinés

En 1946, une flambée épidémique de tuberculose avait durement touché la communauté Inuit du Nord canadien. Les gardes-côtes avaient alors été envoyés pour récupérer les malades, et les transporter vers des hôpitaux du sud du pays pour être soignés.

Les déplacements se sont poursuivis dans les années 1950, et même jusqu’aux années 1970, qui ont vu la fin de l’épidémie. Mais les enfants, parfois en bas âge et éloignés de leur famille pendant plusieurs années, avaient pour certains oublié leur langue.

D’autres, adultes ou enfants, ont été renvoyés dans des communautés qui n’étaient pas les leurs. Et pour beaucoup, décédés à l’hôpital ou en sanatorium, aucune information sur leur mort n’a été communiquée aux familles.

Pour clore un chapitre

Des enfants dont les parents avaient été déplacés les ont cherchés pendant des années. L’un d’entre eux, Jack Anawak, ancien député, avait huit ans en 1956 lorsque sa mère a été déportée. Elle est décédée deux ans plus tard, mais la famille n’a jamais su où elle avait été enterrée.

« On se demande toujours où sont nos êtres chers, confie-t-il. Pour moi, c'est très important que l'on puisse clore le dernier chapitre de nos vies. De finalement savoir où sont nos mères et nos pères et de pouvoir les visiter. » Certains Inuits seraient encore à la recherche de proches, les croyant toujours en vie.

Les fantômes du passé

Le travail du groupe Nanilavut n’est pas terminé, mais les autorités souhaitent que les données déjà disponibles soient d’ores et déjà rendues accessibles. Certains ont déjà pu consulter les données.

Elizabeth Logue souhaite aussi que la consultation passe par les groupements communautaires, et non de manière individuelle, afin que soient bien expliqués le contexte et l’histoire. « Prendre connaissance de ces informations pour la première fois pourrait réveiller des traumatismes, estime-t-elle. Il y aura du soutien offert. »

Ce triste épisode de l’histoire du Canada, qui s’inscrit dans une tradition de maltraitance des populations autochtones, aurait encore des répercussions aujourd’hui. Les sociologues estiment en effet que si la tuberculose continue de circuler dans les communautés inuits – qui sont aujourd’hui 50 fois plus touchées que le reste de la population –, c’est en partie en raison de ces déplacement imposés.  

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