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QUESTION D'ACTU

Interview

La Grèce lance le cannabis médical, la Californie le cannabis récréatif; et la France?

C’est d’abord la Californie… Qui légalise le Cannabis « récréatif ». Ce n’est pas une nouveauté, mais la taille de l’Etat américain et son influence sur le monde, vont relancer inévitablement le débat dans notre pays. Il n’a d’ailleurs probablement jamais cessé. C’est un jeu récurrent des politiques. Pour le professeur Benyamina, il est urgent de mettre en place le meilleur modèle, le modèle français !

La Grèce lance le cannabis médical, la Californie le cannabis récréatif; et la France? creatista




* Le professeur Amine Benyamina est chef de service à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif. Il est président de la fédération française d’addictologie.

Pr Amine Benyamina :

Cela fait des années que la question du cannabis est une question qui est débattue, mais de manière stérile. Il y a deux phénomènes qui, à mon avis, nous amènent à réfléchir de manière un peu plus optimiste. Le première, c’est l’avancée de la science et du savoir validé. L’Evidence-Based Medicine. On a des preuves, on a des protocoles, on a des recherches, on a des éléments, on a de l’imagerie, de la génétique, une observation clinique, et des éléments d’épidémiologie. Deuxième élément, c’est ce qui se passe dans le monde. La France, pourtant n’a pas encore décidé d’ouvrir le débat, comme il se doit, comme on le réclame…

Dr Jean-François Lemoine :

Vous dites : « on n’a pas encore décidé le débat », j’ai pourtant l’impression qu’il est ouvert depuis très longtemps… ?

AB : C’est un débat qui n’est pas « officiellement » ouvert par les autorités politiques. On a des prises de parole comme ça, mais on n’a pas dit : OK, on va ouvrir les débats. En juillet, le ministre de l’Intérieur,  a parlé d’une amende concernant le cannabis, mais ce n’était pas une question de santé..

JFL : Ouvrir la porte au cannabis récréatif, c’est complètement le dépénaliser ?

AB : La distinction est extrêmement importante. Il y a une histoire en Californie. Depuis 1996, les Californiens peuvent consommer du cannabis dans un cadre précis, ce que l’on appelle le cannabis thérapeutique. Alors évidemment, le thérapeutique aux Etats-Unis, c’est pas comme en Europe, parce qu’il existe des pays en Europe…comme en France ou ce sont des formes galéniques qui répondent aux exigences de nos agences d’enregistrement. Aux Etats-Unis, le cannabis thérapeutique, c’est une ordonnance quasi de complaisance, vous y allez, et vous revenez avec un petit sachet. Depuis le 1er janvier 2018, c’est tout le cannabis qui est autorisé, avec un cadre, c’est-à-dire l’âge, la quantité, les structures dans lesquelles vous pouvez l’acheter, la possibilité de consommer…

JFL : La Californie, c’est une étape importante, parce que c’est quand même un état emblématique ?

AB : Oui ! 42 millions de personnes, c’est pratiquement une petite France, surtout et avant tout, prescripteurs de tendances, toutes tendances confondues, et puis c’est une capacité à essaimer sa culture dans le monde. Et puis c’est un laboratoire à ciel ouvert. C’est le cas de le dire.

JFL : Quels sont les pays où il y a un accès légal au cannabis ?

AB : Il y a un pays, qui est emblématique, c’est l’Uruguay, qui a légalisé toute la filière, de la fabrication jusqu’à la consommation, en passant par le système de distribution, et la santé autour.

La Hollande, est le modèle à ne pas suivre, le modèle hypocrite où vous pouvez consommer du cannabis, avec une dose qui est limitée dans les coffee-shops, mais derrière le comptoir, on ne sait pas qui le fabrique, ni comment ces coffee-shops sont approvisionnés, c’est ce qu’il ne faut pas faire.

En Espagne, il y a les cannabis-clubs. C’est un bon système dans lequel il y a un fichier, où les gens s’inscrivent, ils consomment dans un endroit, et puis il y a un vrai filet.

JFL : Le modèle qui vous semble le plus cohérent pour notre pays, c’est lequel ?

AB : C’est le modèle français ! Mais il faut le créer. On a un pays, 60 millions d’habitants, une vraie culture, c’est un pays cosmopolite. Ce qui me semble important à dire en tant que médecin et en tant qu’enseignant, et en tant que président d’une fédération, qui est la fédération française d’addictologie, c’est que  je ne suis pas un prosélyte du cannabis, parce que, évidemment, j’ai des prises de position publiques, mais lorsque l’on a un produit qui touche autant la jeunesse et une loi qui n’est pas capable de les protéger et encore moins de sévir, parce qu’elle n’est pas pour ça, il faut changer le système.

JFL : Et proposer quoi?

AB : Proposer un cannabis qui n’est pas un cannabis dangereux, parce qu’il y a des cannabis dangereux… La composition, moins dosée en THC, plus équilibrée en cannabinoïdes…

JFL : Donc une production étatisée ?

AB : C’est ça la légalisation. Ce n’est pas à moi de le dire ni de le faire, ou alors que l’Etat regarde ce qui est proposé. Moi, je suis un petit, par rapport à ceux qui ont réfléchi à cela avant moi. Il y a une commission qui s’appelle la Global Commission qui siège à l’ONU, qui est composée d’anciens chefs d’Etat, et notamment des pays latino-américains…

JFL : Mais pourquoi il faut qu’on attende le modèle français ? Pourquoi il n’a pas été appliqué ailleurs, ce modèle ?

AB : C’est parce que le modèle français, le modèle dans les addictions, ne peut pas occulter la partie environnement, culture et tradition, voilà. Le modèle français sera meilleur parce qu’il sera adapté à la France. Ce qui se passe en Californie, n’est pas exportable. Il faut  créer, il faut inventer.

JFL : Tous les pays où on a un peu libéralisé le cannabis s’en sont mordus les doigts ou pas ?

AB : Pour l’instant, pas encore, parce que c’est récent. C’est ce qu’il faut regarder. Il y a le Portugal… On a des observations intéressantes. Le Portugal, évidemment, c’est un pays qui a légalisé, qui a en quelque sorte encadré la consommation et la prise en charge des addictions. On s’est rendu compte qu’on avait plus de gens qui rentraient dans le système de soin, on avait moins de trafic et on avait en quelque sorte bloqué le delta de la production et de l’offre.

 

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