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Changement de paradigme

Dépression sévère : la kétamine révolutionne le traitement

Deux analyses parues dans la Harvard Review of Psychiatry montrent que la kétamine, un anesthésique courant, révolutionne le traitement la dépression sévère : son effet est puissant, elle réduit drastiquement les idées suicidaires et, alors qu’il faut attendre 2 à 3 semaines pour observer une réponse avec un antidépresseur classique, celle-ci serait obtenue en quelques heures avec la kétamine.

Dépression sévère : la kétamine révolutionne le traitement marjan4782@gmail.com/epictura


  • Publié le 26.02.2018 à 08h35
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  • Mise à jour le 27.02.2018 à 20h16
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Deux analyses récentes sur l’intérêt de la kétamine, et les médicaments apparentés, dans le traitement de la dépression sévère sont publiées dans la Harvard Review of Psychiatry.

Selon un premier article, la kétamine (et les médicaments apparentés de type glutamatergique) peuvent représenter un « changement de paradigme » pour le traitement d’un épisode dépressif majeur et la dépression bipolaire, en particulier chez les patients qui ne répondent pas à d'autres traitements.

Un deuxième article explore les mécanismes cérébraux à l'origine des effets antidépresseurs rapides de la kétamine grâce à l’imagerie fonctionnelle.

Des besoins non satisfaits

Vingt à 30% des malades souffrant de troubles dépressifs sévères ne répondent pas aux antidépresseurs existants qui ciblent tous peu ou prou les mêmes cibles dans le cerveau (sérotonine, noradrénaline...). Même pour ceux qui répondent, un délai de plusieurs semaines est nécessaire avant que les symptômes s'améliorent.

La kétamine, un produit anesthésique qui agit sur les neurotransmetteurs de type glutamatergique dans le système nerveux central, semble avoir un effet rapide et puissant contre les symptômes dépressif et les idées suicidaires. Au cours de la dernière décennie, plusieurs études ont montré une réponse antidépressive rapide et forte à la kétamine lorsqu’elle est injectée par voie intraveineuse à des doses sous-anesthésiques.

Puissance et rapidité antidépressive

Dans une des analyses, le Dr Zarate et ses collègues ont analysés les études sur la kétamine, et les autres médicaments glutamatergiques, dans la dépression. La kétamine, de loin la molécule la plus étudiée de ces médicaments, se distingue par des effets antidépresseurs très rapides.

Chez les malades souffrant de dépression unipolaire résistante au traitement, la kétamine a permis d’obtenir des réductions initiales des symptômes dépressifs en seulement en deux heures, avec un effet maximal à 24 heures.

Par exemple, à la dose de 0,5 mg par kilogramme de poids corporel, 2 jours d’affilée, plus de 7 malades résistants sur 10 semblent améliorés et 3 sur 10 sont en rémission à 24heures. L’effet semble se maintenir chez la moitié des malades à une semaine.

Une réduction rapide des idées suicidaires

La kétamine a également démontré sa capacité particulière à réduire rapidement les pensées suicidaires. En association avec d'autres traitements, la kétamine apporte également un bénéfice antidépresseur rapide chez les malades souffrant de dépression bipolaire résistante au traitement.

Des protocoles ont même été mis en place aux urgences en France et ailleurs, avec cette molécule pour la prévention du risque suicidaire dans les dépressions mélancoliques. Les résultats seraient très encourageants dans certaines études : près de 8 malades suicidaires sur 10 n’auraient plus d’idées suicidaires seulement 24 heures après la perfusion. Une profonde révolution.

Un impact en neuroimagerie

Dans l’autre analyse, le Dr Cristina Cusin, du Massachusetts General Hospital et ses collègues ont analysé les études de neuro-imagerie qui évaluent les effets de la kétamine dans le cerveau.

Certaines études montrent des modifications induites par la kétamine dans plusieurs régions du cerveau qui sont impliquées dans le développement de la dépression.

La kétamine pourrait exercer ses effets antidépresseurs en « désactivant fortement les ressources émotionnelles nécessaires pour perpétuer les symptômes de la dépression », en augmentant l'émotivité émotionnelle et en augmentant l'activité du système de la récompense.

Nécessaires travaux de recherche

Encouragés par ces études, certains médecins utilisent déjà la kétamine chez les malades souffrant de dépression sévère ou résistante au traitement. Le principal inconvénient est que ce traitement doit être administré en perfusion, à l'hôpital et sous surveillance anesthésique en raison des possibles effets secondaire. D'autre part, la durée de l'effet antidépresseur est courte, ce qui oblige à renouveler la perfusion.

Cependant, comme ce traitement n’est autorisé que comme anesthésique, l'utilisation de la kétamine dans les troubles dépressifs est hors-AMM et non complètement standardisée. De nombreuses questions n’ont pas encore été résolues quant à la gravité réelle de ses effets secondaires à court (hypotension artérielle) et à long terme, ainsi que sur ses risques de détournement à visée toxicomaniaque (qui sont réels).

Des travaux sont en cours pour standardiser l’utilisation de la kétamine et déterminer son efficacité en pratique clinique afin d’envisager une mise à disposition sans risque. D’autres travaux ont été publiés avec d’autres médicaments glutamatergiques dérivés. L’un d’entre eux, l'esketamine, administré par voie intra-nasale, a reçu un statut une approbation accélérée de la part de l’agence de santé américaine, la FDA, pour les malades déprimés ayant un risque imminent de suicide.

Le problème avec ces molécules reste cependant la persistance de l’effet ce qui amène à devoir répéter les administrations des différents produits, mais avec un protocole à une perfusion par jour pendant 6 jours, l’effet semble s’estomper entre 2 et 3 semaines (6 à 45 jours).

Un changement de paradigme

Indépendamment du fonctionnement exact de la kétamine et de son rôle dans le traitement de ces maladies, la réponse antidépressive observée avec les médicaments glutamatergiques conduit à envisager pour la première fois « que des effets antidépresseurs rapides sont en effet possibles à obtenir chez les humains » d’après les auteurs de ces études.

Il s’agit d’un véritable « changement de paradigme » dans le traitement de la dépression unipolaire et de la dépression bipolaire, en particulier pour les malades qui ne répondent pas aux traitements actuellement disponibles.

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