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Cancérologie

Les nouveaux mots des maux du cancer : que sont les biosimilaires ?

La prévention, le dépistage et le traitement du cancer évoluent vite. Les cancérologues du monde entier, réunis à l’ASCO 2018, parlent une nouvelle langue. Pourquoi Docteur vous fait partager ces nouveaux mots du cancer. Aujourd’hui : les biosimilaires.

Les nouveaux mots des maux du cancer : que sont les biosimilaires ? scanrail /iStock




Les biosimilaires sont désormais à la disposition des médecins qui peuvent les substituer aux médicaments d’origine. Entretien avec le Dr Muriel Dahan, Directrice des recommandations et du médicament à l’Institut National du Cancer, l’INCA. 

Dr Jean-François Lemoine : Pour faire simple, peut-on dire qu’un "biosimilaire" est un médicament  générique des produits difficiles à fabriquer?

Pr Muriel Dahan : C’est un peu différent des génériques. En fait, puisque ce sont des médicaments biologiques qui ont une variabilité plus importante entre les lots que la production des médicaments chimiques pour lesquels on a une reproductibilité extrêmement fiable. Cette variabilité inter-lot exige d’être un peu plus vigilant sur la production et sur l’assurance qualité qu’on met dans cette production.

Dr Jean-François Lemoine : Vous garantissez la même efficacité ?

Pr Muriel Dahan : Oui, c’est efficace, de la même manière que le médicament initialement développé. On a le même mode de fonctionnement et le même dosage, la même façon de l’administrer…

Dr Jean-François Lemoine : Avec la même sécurité ?

Pr Muriel Dahan : Avec la même sécurité, absolument.

Dr Jean-François Lemoine : Des études ont-elles été menées pout comparer le biosimilaire et le médicament de départ ?

Pr Muriel Dahan : On mène des études de bioéquivalence, un peu comme les médicaments génériques, mais on fait également des tests cliniques, spécifiques aux biosimilaires, pour garantir qu’on a exactement le même rapport bénéfice-risque. C’est sur ce rapport "avantages/ inconvénients" que cela se joue pour tous les médicaments. Nous avons une efficacité qui est la même, parce que c’est la même molécule. C’est comme cela qu’on définit l’efficacité et la toxicité des médicaments. On les développe chez l’homme et on vérifie qu’ils sont efficaces et qu’ils ne produisent pas trop d’effets indésirables.

Dr Jean-François Lemoine : Il ne faut pas se leurrer, si on crée ces médicaments-là, ce n’est pas pour que le traitement soit meilleur, mais uniquement  pour des questions d’argent ? C’est-à-dire pour qu’ils soient moins chers ?

Pr Muriel Dahan : C’est parce que, comme n’importe quelle innovation, au bout d’un moment, cette innovation passe dans le domaine public et il n’y a aucune raison qu’on maintienne des prix extrêmement élevés. L’innovation a été payée à son juste prix, parfois même assez cher, et il y a un moment où le retour sur investissement étant garanti, il faut que le prix baisse. Ce prix ne baisse pas naturellement à l’initiative du laboratoire lui-même. Donc c’est l’ouverture à la concurrence, la fabrication de biosimilaires, puisqu’il n’y a plus de brevet, qui fait que les prix baissent.

Dr Jean-François Lemoine : L’Assurance maladie, par la voix de son directeur, Nicolas Revel, dit : "les médecins n’auront pas le choix, il faut les prescrire".

Pr Muriel Dahan : Ce sont les propos de l’Assurance maladie. Je n’ai rien à y redire. Moi, j’ai piloté le plan national de promotion des génériques, le premier, et ce que je peux dire, c’est qu’il est tout à fait indispensable de pouvoir prescrire des médicaments beaucoup moins chers avec l’arrivée de médicaments extrêmement onéreux. Donc pour permettre le financement de ces médicaments onéreux – après, on peut discuter de la justification de ce niveau de prix –, mais il n’empêche que, évidemment, il doit y avoir un turn-over, et qu’il est complètement aberrant qu’on paye aussi cher les anciens médicaments que des nouveaux médicaments, alors qu’ils ont été amortis, que leur usage est bien établi, qu’on les connaît bien, et qu’il n’y a plus de raison de les payer très cher.

Dr Jean-François Lemoine : Ces biosimilaires vont être prescrits à l’hôpital en grande partie. Pas en ville ?

Pr Muriel Dahan : Cela pourra l’être, bien sûr. Mais pour l’instant, les médicaments biologiques et donc les biosimilaires,  sont essentiellement des médicaments qui sont utilisés à l’hôpital, en tout cas dans le cancer.

Dr Jean-François Lemoine : Vous n’êtes pas sans savoir qu’on n’est pas encore sorti de l’affaire Levothyrox. Et donc prescrire un biosimilaire dans le cas d’un cancer, c’est une toute autre histoire. Qu’est-ce que vous avez envie de dire aux patients ? Qu’est-ce que les médecins veulent dire aux malades ?

Pr Muriel Dahan : Les médecins doivent prescrire ce qu’ils pensent être le mieux pour leur patient. Et il s’agit d’une molécule. Il ne s’agit pas d’une marque, ils prescrivent une molécule dont ils savent que c’est ce médicament le plus efficace et le mieux toléré pour leur patient. Que ce soit la marque initiale, ou la marque biosimilaire ne change rien à l’affaire. Il sait qu’il doit prescrire du trastuzumab, du rituximab. Il ne va pas aller regarder si c’est du MabThera, ou de l’Herceptine, ce n’est pas le sujet. Il sait que c’est cette molécule qui correspond aux besoins de son patient. C'est donc ce médicament que le médecin va prescrire ; que ce soit un princeps ou un biosimilaire ne change strictement rien.

Dr Jean-François Lemoine : L’INCa sera derrière cette démarche ?

Pr Muriel Dahan : Nous assistons aux travaux sur le deuxième plan générique auquel est associé un plan biosimilaires. Nous participons à ces travaux aujourd’hui de façon à avoir éventuellement des conseils à donner, d’expertise éventuellement, ou notre mot à dire sur ces sujets. Ou encore, des remontées de terrain, par exemple sur les problèmes pharmaceutiques, des problèmes de résidus, ou de queue de traitement, qui font qu’il faut avoir des pratiques pharmaceutiques un peu particulières, sur ce genre de choses… on peut tout à fait être vigilant, donner l’alerte, absolument sans arrière-pensée ; vraiment !

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