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Homéopathie, les médecins très partagés

L'homéopathie divise les médecins en trois camps : les homéopathes qui voient leur exercice menacé, les scientifiques résolument vent debout devant l'absence de preuves d'efficacité, et ceux - probablement la majorité - qui trouvent que, compte tenu du faible coût et de l'absence d'effets secondaires, on dispose là d'un placebo bien pratique. En clair, que l’homéopathie n'est qu’un mal pour un bien. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, en défendant – mollement – le remboursement des médicaments homéopathiques, a ouvert une discussion où la passion va l’emporter sur les raisons – objectives – de ses déclarations. 

Homéopathie, les médecins très partagés icefront




L’homéopathie continue d’alimenter les débats. Le Conseil de l’Ordre des médecins a récemment publié une "mise au point sur le cadre déontologique qui s’impose à tous" concernant la prescription de l'homéopathie en premier recours.  

"L'utilisation des termes de "médecines alternatives et complémentaires", concernant notamment l’homéopathie, entretient une ambiguïté qui est source de confusion et litiges d’interprétation", dénoncent les médecins. L'homéopathie peut être prescrite, mais en complément seulement et après avoir essayé des traitements plus classiques. "Il peut comporter une prescription adjuvante ou complémentaire, médicamenteuse ou autre, que le médecin apprécie en conscience dans chaque situation, après avoir délivré au patient une information loyale, claire et appropriée", ajoute le Conseil national de l’Ordre. 

Bien évidemment, cette annonce a tout pour mettre les médecins homéopathes (plus de 3 500) inscrits à l'Ordre, dans la rue. C'est la fréquentation importante de leur cabinet qui est menacée à très court terme. A ce chiffre s'ajoutent tous les médecins français qui ne sont pas spécialistes, mais utilisent parfois ces médicaments bien pratiques puisqu'ils n'ont aucun effet secondaire connu, quand les demandes de leurs patients deviennent trop pressantes. Certains d'ailleurs ne s'expliquant pas pourquoi, certains médicaments comme l'arnica ou l'Oscillococcinum, ont l'air de marcher... Il suffit de voir tous les médecins des équipes réunies en Russie, à la Coupe du monde, donner quelques granules à leurs joueurs au moindre choc.

Enfin, les médecins qui ont basé leur exercice et leurs prescriptions sur la "médecine basée sur les preuves" applaudissent (pour une fois) leur Conseil de l'Ordre et attendent de la part des autorités une décision ferme et définitive. Qui pourrait tarder, car il est probable que l'opinion publique va avoir son mot à dire dans le dossier.

Les Français ont un rapport ambigu avec le médicament

La plupart en prend, parfois plusieurs quotidiennement, en hurlant contre l’industrie pharmaceutique. Des médicaments prescrits par des médecins conscients d’avoir la main un peu lourde et surtout sans être persuadés, souvent, de leur efficacité. Mais avec le souci – même si cette affirmation va faire hurler de nombreux confrères – de ne pas perdre des patients très enclins au "nomadisme" médical. En langage de la vraie vie, aller voir ailleurs si l’ordonnance est plus aisée !

C’est vrai que l’attitude qui consiste à donner un médicament chaque fois q’un symptôme apparaît, conduit à des milliers de prescriptions de toniques veineux, de sirops contre la toux, d’antalgiques disproportionnés, d’antibiotiques inutiles ou d’anti-inflammatoires prêts à faire des trous dans l’intestin.

Pourtant, tous ces patients demandeurs vous diront "qu’après la prise de ces médicaments, cela va mieux". C’est là qu’apparaît le fameux "effet placebo" ; le médicament qui soulage quelle que soit sa composition, par la simple prise et la la baisse de l’anxiété que celle-ci suppose.

L’effet placebo reste un mystère

Le placebo garde encore certains mystères mais fait toujours l’objet de recherches, car les scientifiques se posent toujours la question de savoir comment une substance anodine arrive à se transformer en véritable médicament.

Placebo vient du latin. Cela veut dire "je plais".

Le placebo est donc un "trompe-l’œil". Exemple : des médecins ont réuni un groupe de volontaires et leur ont proposé de recevoir pendant quelques jours de l’aspirine, tout en expliquant les risques de ce médicament vis-à-vis de l’estomac. Puis sans les en informer, ils ont donné à la moitié du groupe de volontaires de l’aspirine et à l’autre, la même gélule qui, au lieu de contenir de l’aspirine n’était remplie que de… farine.

Quelques temps plus tard, on est allé regarder grâce à une caméra à l'intérieur des estomacs de tous ces volontaires. Surprise ! 30% de ceux qui n’avaient eu en guise d’aspirine que de la farine présentaient des signes de saignement et d’ulcère à l’estomac alors que la logique aurait été de ne rien trouver, le produit avalé étant anodin. C’est ainsi que l’on a mis en évidence l’effet placebo.

Le cerveau des avaleurs de farine avait enregistré la possibilité d’avoir des complications et ce même cerveau les avaient fabriquées.

Aujourd’hui, on connaît bien cet effet placebo des médicaments. D’ailleurs, pour être précis, on dit effet placebo lorsque l’effet est positif, c’est-à-dire qu’il amène un soulagement, et on dit aussi  effet « nocebo » lorsqu’il s’agit d’un effet négatif comme cela s’est passé dans le cas de la farine. Ou tout récemment probablement dans l’affaire Lévothyrox.

L’eau distillée aussi efficace que la morphine

Autre expérience impressionnante, menée par le Samu. A l’arrivée de l’ambulance au logo bien connu, les médecins – sans savoir ce qu’ils injectaient car c’est important que le médecin ne soit pas dans la combine pour influencer l’effet – injectaient au hasard, soit de la morphine, soit de l’eau. Celle-ci s’est révélée aussi efficace que la morphine dans 40% des cas. Je vous rassure, si la douleur ne cédait pas très vite, il y avait une vraie seringue de morphine tout prête. Mais cela prouve que la présence rassurante des urgentistes compte pour une partie non négligeable dans le soulagement.

Autre exemple, pour bien faire la part des choses, pour ne pas mélanger cette victoire de l’esprit sur le corps, tout médicament mis sur le marché est obligatoirement comparé à un placebo. Afin de montrer que la nouvelle médication est au moins plus efficace qu’… un morceau de sucre.

Aujourd’hui, on connaît bien cet effet placebo des médicaments. On estime que près de 35% de ceux qui prennent un médicament voient leurs symptômes diminuer uniquement parce qu’ils pensent que le produit qu’on leur donne est bon pour eux. 

Un effet non utilisé par les médecins

Les médecins ne prescrivent pas de vrais placebos ; parce qu’il n’y en a pas sur le marché et que si c’était le cas, ils seraient vite démasqués. En réalité, les médecins détournent le sujet en prescrivant des médicaments, dès qu’ils ont un doute sur la nature psychique du problème, dont ils savent pertinemment qu’ils n’ont aucun effet. Et fait, ce n’est pas le choix qui manque ! C’est le cas de nombreuses prescriptions homéopathiques. Les médecins doutent de l’efficacité mais cette prescription possède l’avantage de répondre à la demande du patient sans craindre une seconde les effets secondaires. Mais pour être efficace, cette prescription doit être remboursée, certes à minima mais remboursée tout de même. Sinon, l’inefficacité sera avérée.

C’est simplement cela qu’Agnès Buzyn a voulu expliquer avec un soupçon de naïveté, oubliant en fait qu’elle ne s’adressait pas à des confrères qui ont tous compris son message.

Toutefois, cela illustre encore le fossé de connaissances entre les médecins qui ont suivi un enseignement traditionnel et les défenseurs des "autres" médecines.

Médecines "parallèles" par forcément si "douces"

La plupart des médecins – du moins ceux de ma génération – ont une incompétence quasi totale dans ce domaine, une incompétence qui peut appeler deux commentaires. Personnel d’abord. Comment peut-on être journaliste médecin, responsable d’un site aussi important que Pourquoi Docteur et ignorer les centaines de milliers de Français qui ont recours quotidiennement à des solutions que les médecins traditionnels, souvent inefficaces dans les maladies compliquées ou tout simplement mal diagnostiquées, ne leur proposent pas ? Ce n’est pas par dédain ou une quelconque prétention mais tout simplement parce que j’ai perçu très vite que le médicalement correct qu’exige la médecine moderne s’accorde très mal avec le flou qui entoure généralement les autres médecines. En clair, la responsabilité d’une chronique médicale est parfois écrasante et doit s’appuyer sur des bases que l’on doit soi-même estimer incontestables. Alors plutôt que de trancher en prenant ma propre expérience – ce qui donne des formules comme "Je l’ai essayé, c’est épatant…" – j’ai préféré, peut-être hypocritement, me réfugier derrière l’expérience de milliers de médecins et de chercheurs qui – il faut leur rendre hommage au moment où leur profession est attaquée – multiplient les études et les essais. Le deuxième commentaire est moins personnel et moins glorieux pour ceux qui nous ont enseigné la médecine. Et là, les progrès n’ont pas été fulgurants en termes d’ouverture d’esprit depuis Molière. Car sans vouloir tout expliquer, il est quand même effarant que la plupart des médecins en exercice n’avaient jamais entendu les termes homéopathie, aromathérapie, acupuncture, et autres pendant leurs études. Sans oublier le mépris affiché devant les autres cultures médicales … asiatiques en particulier alors qu’elles ont certainement bien des choses à nous apprendre. Et puis il y a les enjeux financiers qui viennent forcément fausser quelque peu le raisonnement. Ou quand le cours de bourse vient retarder une mauvaise nouvelle ou anticiper une découverte non vérifiée.

Découvrir les vertus du massage chinois, de la réflexologie plantaire, de la phytothérapie ou des cures ayurvédiques…

Cela ne peut pas faire de mal et il y a des matins où les mots bien-être et doux changent un peu de la litanie habituelle des facteurs de risque qui nous menacent.

Et les autres pays ?

On accuse l’homéopathie d’être un problème franco-français en raison de la nationalité française du leader mondial de leur fabrication, le laboratoire Boiron, dont on dénonce le pouvoir de lobbying auprès de la ministre de la santé, ce qui paraît un argument un peu léger compte tenu de la puissance des laboratoires qui fabriquent les autres médicaments.

Prenons l’exemple des Etats-Unis. Une étude américaine a montré que les médecins de ce pays ne sont pas si opposés que cela aux "médecines parallèles", mais qu'ils manquent par contre d'information et de formation. Par "médecines parallèles", on entend "médecines différentes". C’est du moins comme cela que les appellent les médecins américains. Car, si on sait que les parallèles ne se rencontrent jamais – donc qu’il y a peu de chances que les deux formes de médecines cohabitent intelligemment – des études ont montré que ces "autres médecines" présentent certainement un intérêt. Un intérêt que les patients ont bien noté puisque ces autres moyens de se soigner progressent dans tous les pays. Des progrès inquiétants, pourrait dire la médecine traditionnelle. C’est d’ailleurs souvent ce qu’elle dit. Seulement, les associations de patients sans lesquelles il n’y a presque pas d’argent, donc presque pas de recherche, sont précisément destinées à améliorer la vie des malades. Elles sont tenues, en particulier, d’explorer tout ce qui pourrait les soulager. Parallèle ou pas. C’est ainsi qu'en rhumatologie, 2 000 médecins américains ont accepté de répondre à un questionnaire sur ces autres médecines. 30 % ont eu l’honnêteté de refuser l’enquête, s’estimant totalement ignorants sur le sujet, donc incapables de donner une opinion. Et si 50 % sont méfiants, plus de 80 % estiment qu’il faut surtout informer le corps médical…

Au hit-parade des médicaments "parallèles" qu’utilisent les médecins, arrive en tête une pommade contre la douleur à base de piment et vendue en supermarché. Ce qui n'est pas étonnant car aux Etats-Unis, la douleur est encore plus mal prise en charge que dans les pays européens. Puis, suivent quelques techniques de relaxation, de méditation. Parmi les méthodes détestées par ces médecins : la naturopathie, l’homéopathie et les mégas doses de vitamines. Le même questionnaire appliqué aux malades montre que le refuge le plus prisé des patients déçus est la prière, suivie par les techniques de relaxation et tout un tas de produits en vente dans des "pseudo pharmacies" ne vendant que des produits sans ordonnance. Deux conclusions, la première est que l’explosion de ces médecines illustre bien le fossé dangereux qui est en train de se creuser faute de dialogue entre le médecin et son patient, le recours à ces médecines étant souvent la réponse à l’absence précisément de réponses du médecin traitant. La deuxième est le besoin crucial d'études pour informer les médecins sur l’efficacité réelle de ces médecines nouvelles.

CHIFFRES CLES

  • 56 % de Français utilisent des médicaments homéopathiques (IPSOS 2012). Ils étaient 53 % en 2011 et 39 % en 2004 (IPSOS 2011 et 2004).
  • 66 % des mères de famille utilisent les médicaments homéopathiques (BVA 2004).
  • 88 % des patients ayant reçu un traitement par un médecin homéopathe ne consultent pas d’autres médecins pour la même affection (Ipsos 2002).
  • En France, 1 médecin généraliste sur 4 prescrit quotidiennement des médicaments homéopathiques (estimation Boiron), soit de façon très régulière (médecins « homéopathes ») soit de façon plus ou moins régulière (médecins généralistes connaissant certains médicaments homéopathiques), soit de façon occasionnelle.
  • 100 000 médecins et 400 millions de patients dans le monde prescrivent et utilisent les médicaments homéopathiques (estimation Boiron).
  • Taux de remboursement des médicaments homéopathiques en France depuis le 2 mai 2011 : 30 %.
  • 75 % des Français sont opposés au déremboursement des médicaments homéopathiques (source : IPSOS 2003).
  • Part des médicaments homéopathiques dans les dépenses de santé : 0,3 % du montant total des remboursements de médicaments et 0,14 % des dépenses de l’Assurance maladie (source CNAMTS).
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