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QUESTION D'ACTU

Nouvelle formule

Levothyrox : un scandale sanitaire pire que le Mediator ?

Hypertension, insomnie, douleurs musculaires importantes, grande fatigue... Lors d'une réunion d’information organisée par le collectif breton Levo NF Breizh, les patients ont signalé des effets secondaires importants, qu'ils attribuent à la nouvelle formule du Levothyrox. 

Levothyrox : un scandale sanitaire pire que le Mediator ? Staras / istock




"Nous sommes face à un scandale sanitaire pire que celui du Médiator. Les autorités refusent d’admettre que le Levothyrox nouvelle formule est une catastrophe", se scandalise le Dr Catherine Noël, médecin angiologue à Pacé, près de Rennes. Elle-même victime de la nouvelle formule du Levothyrox, elle a participé, avec une cinquantaine d’autres patients, à une réunion d’information organisée par le collectif breton Levo NF Breizh.

"Nous faisons face à un vrai scandale sanitaire qui touche des centaines de milliers de personnes en France. Des études ont montré la nocivité du Levothyrox nouvelle formule, mais les autorités restent sourdes à la souffrance des gens. Et en France, contrairement à d’autres pays européens, il n’y a pas d’alternative au Levothyrox", explique encore Martine Arz, membre du collectif.

Des cheveux qui tombent

Hypertension, insomnie, douleurs musculaires importantes, grande fatigue, perte d’appétit, fièvres, des cheveux qui tombent… Tous se plaignent, dans Ouest-France, d’effets secondaires importants, apparus depuis la commercialisation de la nouvelle formule du médicament. 42 patients ont récemment assigné le laboratoire Merck, producteur du médicament polémique, devant le tribunal de grande instance de Toulouse. "Pendant plusieurs mois, les demandeurs ont souffert de troubles graves dans la totale ignorance des causes de ces derniers", il est donc "manifeste que l’ensemble des victimes a droit à obtenir réparation du préjudice subi, en premier lieu, un préjudice d’anxiété", indique l’assignation, déposée le 6 juillet. 

Par ailleurs, les plaignants pensent "qu’en n’informant pas les patients des risques que pouvait provoquer le nouveau Levothyrox, il est incontestable que ces derniers ont subi un préjudice moral qu’il convient de réparer". Ils réclament le versement de 15 000 euros à chacun des demandeurs au titre du préjudice d’anxiété et 15 000 euros au titre du préjudice moral. Il veulent aussi maintenir la commercialisation de l’ancienne formule et demandent au tribunal d’ordonner une expertise afin de pouvoir fixer le préjudice corporel subi par les demandeurs.    

Délivrer "sans délai" l’ancienne formule du médicament

La cour d’appel de Toulouse a déjà confirmé en juin dernier une condamnation qui ordonnait aux laboratoires Merck de délivrer "sans délai" l’ancienne formule du médicament à 25 patients de Haute-Garonne. Pas plus tard que le week-end dernier, le site France Info révélait aussi qu’un collectif d’une centaine de patients a porté plainte pour "trafic d’influence" auprès du pôle santé du tribunal de Marseille. Par la voix de leur avocat, les plaignants affirment soupçonner l’existence d’un conflit d’intérêt entre le laboratoire Merck, fabricant du médicament, et l’agence du médicament (ANSM), à l’origine du changement de formule.

Suite aux résultats d’analyses sur la nouvelle formule de Levothyrox récemment rendus publics par l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), l’ANSM a réalisé  dans ses laboratoires de nouveaux contrôles sur des comprimés de Levothyrox nouvelle formule et ancienne formule (Euthyrox) qui visaient à confirmer la conformité du principe actif (lévothyroxine). "Les analyses chromatographiques démontrent la présence de quantités de lévothyroxine comparables entre l’ancienne et la nouvelle formule, qui n’est donc pas sous-dosée", indiquait l’agence le 6 juillet dernier.

"Elles montrent également la présence de dextrothyroxine uniquement à l’état de traces dans la nouvelle comme dans l’ancienne formule, ce qui est tout à fait conforme aux spécifications attendues", ajoutait-elle. De fait, les experts estiment que l'absence d’échantillons de référence, de mention du laboratoire responsable, ainsi que l’utilisation d’une méthodologie inappropriée à l’analyse d’un produit fini, rend les analyses de l’AFMT inexploitables.

Hormone thyroïdienne de synthèse

Les analyses sur la conformité du principe actif (lévothyroxine) menées par l’ANSM ont porté sur des comprimés de 50, 100 et 150 µg de Levothyrox nouvelle formule et de 50, 100 et 150 µg de Levothyrox ancienne formule (Euthyrox) achetés dans une pharmacie de ville. La méthode utilisée pour ces analyses permet de séparer la lévothyroxine et la dextrothyroxine. Pour vérifier que cette méthode était bien capable d’identifier ces deux substances, les résultats obtenus sur les comprimés ont été comparés à des substances de référence composées uniquement de lévothyroxine ou de dextrothyroxine.

La bataille des malades de la thyroïde contre la nouvelle formule de Levothyrox fait rage depuis un an et demi. Dans un communiqué daté du 14 juin dernier, l’AFMT avait déclaré avoir commandé à un laboratoire étranger une nouvelle analyse de la formule controversée du médicament. Selon elle, les résultats mettent en lumière deux changements notoires par rapport à la précédente formule.

D’abord, celle-ci contiendrait moins de lévothyroxine que les spécifications en vigueur. La moindre présence de cette hormone thyroïdienne de synthèse serait à l’origine des dysfonctionnements du traitement constatés chez les patients. "Des patients cancéreux se trouvent sous-dosés en hormones thyroïdiennes, nous avons observé de façon conséquente des réveils de cancers endormis depuis des années", affirme l'association.

De plus et toujours selon cette structure, son analyse montre la présence dans le médicament de dextrothyroxine alors qu'elle ne figure pas dans la liste des composants. Non-commercialisée en France, cette substance de synthèse a été interdite aux États-Unis car elle est soupçonnée d’occasionner les mêmes effets secondaires que ceux dont se plaignent actuellement les malades de la thyroïde utilisant la nouvelle formule du Levothyrox.

"Tromperie aggravée, blessures involontaires et mise en danger d’autrui"

L’AMFT a fait savoir que les résultats de l’étude de la nouvelle formule du Levothyrox ont été transmis à une juge d’instruction du pôle santé de Marseille chargée du dossier, ouvert pour "tromperie aggravée, blessures involontaires et mise en danger d’autrui". Chantal L'Hoir, présidente de l'Association française des malades de la thyroïde, en appelle à la démission de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, ainsi qu'à la reconnaissance "en urgence" de crise sanitaire "et, par principe de précaution, au retrait du Levothyrox".

De son côté, le laboratoire Merck, qui commercialise la nouvelle formule du Levothyrox, a fait savoir dans un communiqué que la déclaration de l’AMFT était "infondée scientifiquement. Nous démentons de façon formelle la présence de forme dextrogyre dans les comprimés de Levothyrox, qu’il s’agisse de l’ancienne ou de la nouvelle formule (…) Concernant la présence d’une forme de lévothyroxine différente dans la nouvelle formule du Levothyrox (forme Dextrogyre D-T4), nous affirmons formellement que tel n’est pas le cas. Nous rappelons que la substance active utilisée pour Levothyrox nouvelle formule est strictement identique à celle présente dans l’ancienne formule du Levothyrox (forme Levogyre dite L-T4 forme moléculaire)", déclare le laboratoire.

Garantir la stabilité du produit dans le temps

L’affaire du Levotyrox a commencé en février 2017, lorsque la formule du médicament a été changée. Cette modification a consisté à remplacer le lactose, qui enrobait l'hormone thyroïdienne, la lévothyroxine, pour en faire un comprimé, par du mannitol. Cette modification avait été demandée par l’Agence de médicament (ANSM) afin de garantir la stabilité du produit dans le temps, ce qui n'était pas le cas avec l’ancienne formule.

Problème : les malades ont ressenti des effets secondaires indésirables. Sur les 2,3 millions de malades traités en France, 17 000 cas d’effets secondaires ont été recensés. Au total, 5062 effets indésirables ont été classés comme graves et 14 décès ont été comptabilisés par l'ANSM, sans qu’un lien direct avec la nouvelle formule puisse être formellement établi. Selon le ministère de la Santé, 500 000 personnes auraient abandonné la nouvelle formule du médicament.

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