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QUESTION D'ACTU

Perte de chance

Délai d’accès aux médicaments innovants : comment décrypter la polémique?

La France, bonne ou mauvaise élève dans l’accès rapide à l’innovation thérapeutique ? Alors que tous les acteurs de la Santé s’accordent pour dire que notre pays est « à la traîne », une toute récente étude helvético-américaine nous place parmi les plus performants ! Analyse des raisons de ce décalage.

Délai d’accès aux médicaments innovants : comment décrypter la polémique? ipopba/istock




Combien de temps faut-il pour qu’un traitement innovant, notamment dans le cancer, soit accessible, en France, pour le patient ? Plus de 500 jours, selon l’EFPIA (Fédération Européenne des Industries et Associations Pharmaceutiques), loin des 180 jours prévus dans une directive européenne qui devrait être la norme. L’incapacité de notre système de santé à tenir ce délai est reconnue par le premier Ministre lui-même qui a précisément demandé en juillet dernier devant le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) que les acteurs concernés travaillent à respecter ces 180 jours.

Avec son émission « La Santé en Questions » (voir la vidéo ci-dessous), Pourquoi-Docteur s’est également saisi de ce débat avec des reportages et des interventions d’oncologues réputés comme de responsables de l’industrie pharmaceutique qui confirment que la « perte de chance » liée à cette situation est réelle.

Mais en plein cœur de l’ESMO, congrès européen de cancérologique qui s’est tenu du 19 au 23 octobre à Munich, une étude réalisée par des chercheurs de l’hôpital de Zurich (Suisse) et de l’école médicale de Harvard (USA) a présenté une vision beaucoup plus « rose » de la situation en affirmant que « la médiane du temps écoulé entre l’obtention d’une AMM et la décision de prise en charge basée sur une évaluation par les autorités de santé » n’était en France que de … 118 jours (154 jours pour les traitements les plus performants).

« Cette étude nous laisse stupéfaits, a réagi le 26 octobre Thomas Borel, directeur scientifique du LEEM (qui représente les industries du médicament en France), ses conclusions sont biaisées et ses extrapolations inexactes puisqu’elles ne tiennent pas compte des différents processus d’évaluation et de décision de prise en charge qui existent entre les pays européens ».

Explication : lorsqu’un laboratoire propose un médicament innovant issu de la recherche et des différents niveaux d’essais cliniques, ce produit, après examen de ses bénéfices et de ses risques, se voit attribuer une autorisation de mise sur le marché (AMM) par la Commission européenne. C’est ensuite la Haute Autorité de Santé (HAS) qui, en France, évalue le service médical rendu du médicament, le SMR (celui-ci a-t-il suffisamment d’intérêt pour être pris en charge par la solidarité nationale) et l’amélioration du service médical rendu, ASMR (apporte-t-il un progrès par rapport aux traitements déjà disponibles).

C’est à ce moment-là que se joue la possibilité, ou non, pour ce médicament de bénéficier d’une prise en charge et d’être remboursé par l’Assurance Maladie.

Mais le parcours n’est pas terminé : avant que le traitement soit disponible pour les patients, il faut encore qu’une négociation se déroule entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM (qui décide du taux de remboursement) et le Comité économique des produits de santé, le CEPS (qui estime le prix du médicament) pour que le ministère de la Santé décide d’inscrire le traitement innovant au remboursement. Ce n’est qu’à ce stade que le produit est disponible pour être prescrit et administré au patient, accompagné de son prix et du taux de prise en charge par l’Assurance Maladie.

Or, si on écoute l’analyse de l’étude helvético-américaine faite par le LEEM et un autre expert, l’économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski, celle-ci aurait évalué le délai de mise à disposition en France à partir du seul temps qui existe entre l’octroi de l’AMM et la fin du processus d’évaluation par la HAS.

Sans tenir compte de la durée de la négociation sur le prix et le taux de remboursement qui précède la possibilité de le prescrire.

Et, selon le LEEM, cela serait lié à l’impossibilité de comparer les délais de mise à disposition d‘un médicament innovant entre des pays dont les processus diffèrent : les auteurs de l’étude se seraient donc arrêtés aux seules étapes comparables.

D’ailleurs, Thomas Borel, au LEEM, reconnait que c’est bien ce dernier moment de l’évaluation qui pose problème en France. « Il y a dans la longueur des délais de mise à disposition des médicaments innovants dans notre pays une composante qui est liée à la HAS dont il faudrait sans doute ajuster les moyens. Mais il y a surtout une composante qui est liée à la négociation nécessaire pour fixer le prix … en France, c’est assez compliqué! ».

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