Aux côtés des laits infantiles classiques dans les rayons des supermarchés et des pharmacies, ils occupent une place de choix et affichent sur leur boîte une promesse : leur composition minimiserait le risque d’allergies des bébés. Pourtant, ces laits hypoallergéniques seraient loin d’être efficaces. Ils provoqueraient même l’effet contraire que celui promis en augmentant le risque allergique.
C’est ce que met en lumière une vaste étude publiée en juin dans la revue Pediatric Allergy and Immunology. Menée conjointement par l’Inserm et l’Inra, elle conclut qu’il n’existe "aucun effet protecteur de ces produits contre d’éventuelles manifestations allergiques (eczéma, asthme, allergies alimentaires, sifflements respiratoires)".
Un risque allergique plus important
Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs ont suivi pendant deux ans 15 000 enfants participant à l’étude ELFE (Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance). Parmi ces bébés, 5% étaient nourris avec des laits infantiles hypoallergéniques à l’âge de deux mois. Pourtant, la moitié d’entre eux n’avait aucun précédent familial d’allergie justifiant la prescription d’un lait hypoallergénique.
En analysant les données recueillies, les chercheurs ont pu constater qu’il n’existait aucun effet protecteur contre les allergies par rapport aux laits infantiles classiques. Si la consommation de laits hypoallergéniques "n’était pas associée à une diminution du risque dans aucun des symptômes d’allergie", les chercheurs ont même pu remarquer qu’elle était "associée à un risque plus élevé d’eczéma et de sifflements respiratoires à 1 an chez les enfants ayant des antécédents familiaux d’allergie, et à un risque plus important de d’allergie alimentaire à 2 ans chez ceux n’ayant pas d’antécédent."
"Jusqu’à présent on pensait que même si le bénéfice de ces préparations ne faisait pas consensus, au moins ne pouvaient-elles pas faire de mal. Nos résultats montrent que ce n’est pas forcément vrai, même si cela doit être confirmé par d’autres travaux, notamment car notre étude ne permet pas d’établir de lien de causalité", explique au Figaro Blandine de Lauzon-Guillain, chercheuse au Centre de recherche épidémiologie et statistiques à l’Université de Paris (Inra/Inserm) et co-autrice de l’étude.
Une nouvelle réglementation dès 2021
D’après les chercheurs, ce risque supplémentaire d’allergie est causé par les protéines de lait hydrolisées, c’est-à-dire fractionnées en petits morceaux. Si cette technique est censée exposer les bébés à moins d’antigènes que les protéines contenues dans les laits infantiles classiques, une étude sur des souris a montré que lorsqu’elles sont exposées à des protéines hydrolisées, "l’induction de la tolérance orale se fait moins bien", détaille Blandine de Lauzon-Guillain.
En attendant d’autres travaux qui pourront prouver ou non ce lien de causalité entre consommation de lait hypoallergénique et augmentation du risque d’allergie, l’Inserm affirme dans un communiqué que ces résultats apportent "des arguments en faveur d’un nouveau règlement européen, qui entrera en vigueur en 2021 et qui imposera la réalisation d’études cliniques sur ces produits avant de promouvoir un effet protecteur face au développement d’allergies".