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QUESTION D'ACTU

"C'est très compliqué"

Déploiement de la 5G : le casse-tête de l’électro-hypersensibilité

De plus en plus de personnes se disent électro-hypersensibles. Mais selon deux experts interrogés par Pourquoi Docteur, si la souffrance est réelle, elle ne trouverait pas ses origines dans les ondes électromagnétiques. 

Déploiement de la 5G : le casse-tête de l’électro-hypersensibilité  Humonia/iStock




La 5G sera déployée commercialement à grande échelle en France à partir de 2020. Cette nouvelle technologie a pour but de "permettre de nouveaux usages dans bien des domaines", vantent les télécoms qui nous promettent des débits jusqu'à 10 fois supérieurs à la 4G dans le domaine des Médias, de la santé ou des transports (voitures autonomes). Mais si deux spécialistes interrogés par Pourquoi Docteur assurent que les études mettant en avant des effets néfastes des ondes pour la santé ne sont pas suffisamment fiables, que dire aux personnes qui se disent souffrir d’électro-hypersensibilité ?  

Car bien que l’OMS ne reconnaisse par leur maladie, force est de constater que de plus en plus de personnes rapportent des symptômes divers et variés tels qu'une grande fatigue, des difficulté à se concentrer, des maux de tête et des étourdissements, des nausées, des acouphènes, des troubles digestifs, des palpitations cardiaques, des picotements et des sensations de brûlure dans les oreilles ou encore un état anxieux ou dépressif. Comme on peut le voir avec la polémique des compteurs Linky, elles attribuent leurs maux au déploiement généralisé des nouvelles technologies.

"Est-ce que je crois que des personnes se déclarant elles-mêmes électro-hypersensibles souffrent ? Oui. Est-ce que je crois que cette souffrance a un lien réel avec une exposition électromagnétique ? Sans une seule seconde d’hésitation, je vous réponds non", tranche Sébastien Point, physicien, président de la section rayonnements non ionisants de la société française de radioprotection et membre de l'Association française pour l'information scientifique.

Un phénomène du trouble anxieux ?  

"Ce sont vraiment des personnes malades, leurs symptômes sont réels, ce ne sont pas des fous. Maintenant est ce que les ondes sont vraiment la cause de leur mal-être, c’est une autre question. Dans les études faites en laboratoire, on a essayé d’exposer ces gens sans qu’ils le sachent pour voir s’ils déclenchaient leurs symptômes. En vain : on n’arrive pas à les exposer par surprise sans qu’ils soient au courant ou à créer leurs symptômes en laboratoire. Aussi, peut-être que les ondes sont en partie responsables de leur mal-être mais elles ne sont certainement pas les seules. On est dans une situation beaucoup plus complexe", renchérit Yves Le Dréan, chercheur pour l’Inserm dans l’unité Irset (Institut de Recherche en Santé, Environnement et Travail) de l’Université de Rennes, qui a pour projet avec son équipe de voir si certaines de ces personnes n’auraient pas un défaut moléculaire qui pourrait expliquer une sensibilité à l’environnement au sens large.  

"A l’heure actuelle, on essaye de trouver des pistes de travail pour essayer de comprendre ce qu’ils ont et leur proposer des thérapies car pour l’instant ils sont dans une errance médicale, on ne sait pas l’origine de leur mal et c’est très hétérogène. Par ailleurs, ils ne se plaignent pas tous du même type d’ondes. C’est très compliqué", ajoute le chercheur.  

"Je pense qu’on est dans un phénomène du trouble anxieux, de la phobie, qui fait que ces gens développent une aversion vis à vis des ondes et des comportements d’évitement qui leur font avoir des symptômes typiques des troubles panique ou anxieux : la fatigue, le stress… On voit que quoi qu’ils fassent, ils confirment leur croyance via par exemple l’achat d’objets anti-ondes et s’enfoncent dans une spirale", assure Sébastien Point.

S’éloigner des ondes n’est sans doute pas la solution

Certains vont par exemple jusqu’à s’acheter des pierres à mettre dans leur coque de téléphone dans le but de bloquer les ondes de ce dernier. "On ne va pas essayer de me faire croire qu’une pierre peut absorber les ondes, ou trier les bonnes des mauvaises. Il n’y a aucune base physique mais ça la rassure sans doute. Ça un effet placebo, pate de lapin", déclare Yves Le Dréan selon qui les personnes électro-hypersensible ont un passif médical réel mais qui trouve sa genèse ailleurs que dans les ondes. "Elles ont des problèmes de santé, recherchent pendant longtemps ce qui leur arrive et tombent souvent sur Internet où des gens décrivent des symptômes "comme eux". Mais il y a 80 symptômes non spécifiques décrits dans l’électro-sensibilité donc tout le monde peut y trouver sa part", avance-t-il. 

Mais dans de telles conditions, que conseiller à ces malades ? "Il faudrait qu’ils arrivent à oublier les ondes. Car je ne suis pas sûr que l’éloignement soit la bonne solution, ça coute très cher. Les ondes n’étant pas forcément à l’origine de leur mal, en se focalisant sur la mauvaise chose, ils ratent peut-être le petit déclic qui leur permettrait d’aller mieux. C’est très délicat car des médecins leur conseillent d’éviter les ondes et ils sentent alors mieux car on les a écoutés et qu’ils ont un protocole à suivre, ce qui les rassure", explique Yves Le Dréan.

"On a pas d’explications"

Sébastien Point est encore plus radical quant à l’éloignement des ondes. D’après lui, cette solution serait la pire qui soit. "Si l’électro sensibilité est une phobie, et c’est ma théorie, en demandant aux gens d’éviter de s’exposer on prend le risque qu’ils le fassent et que ce comportement d’évitement diminue leurs symptômes d’anxiété, confirmant alors dans leur esprit que la source de leurs symptômes était l’exposition aux ondes".

Ce qui les confortera dans l’idée qu’il faut s’en méfier et alimentera le cercle vicieux. "Au contraire, je pense qu’il faudrait pousser les électro sensibles à ne pas fuir les ondes et à suivre une thérapie cognitivo-comportementale qui leur permettrait de dissocier leurs symptômes de l’exposition aux ondes", poursuit-il.

"On est dans l’inconnu, le noir complet, on avance à tâtons. On a pas d’explications. On l’aura peut-être plus tard. On travaille sans doute pour les générations futures. Ca peut venir. C’est le problème de la recherche scientifique : on est là pour explorer l’inconnu", conclut Yves Le Dréan.

 

 

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