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QUESTION D'ACTU

Témoignage

Angoisse, sentiment de vulnérabilité, hantise de la rechute, fatigue : elle raconte l'épreuve de la Covid-19

Claire, employée au sein de l'administration d'une université parisienne, a attrapé la Covid-19 en mars. Cette mère de famille de 47 ans décrit 6 semaines d'enfer, pendant lesquelles elle a dû s'isoler dans sa chambre afin de ne pas contaminer son mari et ses trois enfants. Elle raconte un calvaire de six semaines.

Angoisse, sentiment de vulnérabilité, hantise de la rechute, fatigue : elle raconte l'épreuve de la Covid-19 PongMoji/iStock




"Je pensais que les premiers symptômes étaient apparus vers le 12 mars, mais, en réalité, ça a commencé une semaine plus tôt. Au travail, je me sentais totalement épuisée, avec un tout petit peu de fièvre, autour de 37,8 degrés. Cela n'avait rien d'alarmant, mais je ressentais une grosse fatigue ; je me souviens en avoir fait part à plusieurs de mes collègues. Puis, il y avait aussi toute l'angoisse liée à l'incertitude de ne pas savoir ce qui allait se passer.

Ça partait dans tous les sens, avec ceux qui disaient que la Covid-19 n'était rien. En même temps, je m'informais beaucoup sur la situation dans d'autres pays, comme l'Italie et la Chine. J'ai l'impression d'avoir mené un combat au niveau du travail : 15 jours avant le confinement, je disais déjà à mes collègues que je ne voulais pas leur serrer la main, ni leur faire la bise, et j'entendais le discours : 'Il ne faut pas psychoter, ce n'est rien, c'est juste une petite grippe'. Ça me mettait en rage.

J'ai vécu 6 semaines d'enfer

J'ai vraiment connu un sentiment d'isolement : je pense que c'est la fatigue qui en résultait qui m'a fait penser que je n'étais pas malade, alors que si. Le 15 mars, la fièvre est montée. Je n'arrivais plus à me lever, je n'avais plus assez de force pour tenir debout, j'avais des maux de tête et j'ai vomi plusieurs fois dans la nuit. J'ai pensé que j'avais mal digéré mon repas du soir, mais c'était étonnant car mon mari et mes enfants avaient mangé la même chose et j'étais la seule à avoir ces symptômes.

Dès cet instant, je me suis confinée dans ma chambre. J'ai appelé mon médecin le lendemain, il m'a dit de bien rester isolée. Heureusement, on a une maison, et donc de la place pour mettre tous les gestes barrières en application. À partir de là, j'ai vécu 6 semaines d'enfer. J'étais dans mon lit, je ne pouvais pas me lever, quand j'allais aux toilettes je devais tout désinfecter sur mon passage et j'étais tributaire de mon mari pour les repas. Je ne pouvais pas avoir le soutien que j'aurais aimé de mes enfants car on avait interdit les câlins. Puis, mon mari me parlait avec deux mètres de distance, il posait mon plateau, restait 3 à 4 minutes avec moi, et allait s'occuper des enfants. 

Je ne tenais pas assise

La première semaine du confinement, il s'est arrêté pour prendre soin d'eux, avant d'être placé au chômage partiel par son entreprise. Pour moi, c'était un souci de moins, car je n'étais absolument pas en état de m'occuper des enfants. Mes symptômes ont évolué. À part la fatigue et la fièvre, j'avais un petit peu de tout : des essoufflements, des maux de tête, des problèmes de concentration, de mémoire. Malgré tout, je continuais à travailler. Ça me permettait de m'occuper un peu, de garder le lien avec mes collègues.

La faiblesse que je ressentais a fait qu'au bout de 3 à 4 semaines, quand j'ai commencé à sortir de temps en temps de ma chambre pour aller dans le jardin, je ne tenais pas assise. Je ne pouvais pas rester longtemps au soleil et tout m'épuisait rapidement. Je devais passer mes journées allongée dans mon lit, même en travaillant : une habitude que j'ai gardé. Il y a aussi eu plusieurs nuits de suite pendant lesquelles je transpirais à grosses gouttes, en me disant que mon corps luttait et allait bien finir par vaincre cette fièvre. Mais, le lendemain matin, elle était toujours là.

Un sentiment de vulnérabilité est venu m'envahir 

Je n'ai pas encore totalement récupéré, je sens toujours une certaine fatigue et me concentrer me demande un effort très important. D'autant que les enfants viennent parfois me solliciter, donc je dois arrêter ce que je fais pour passer à autre chose, comme les devoirs : je mets beaucoup plus de temps pour me replonger dans le travail ensuite. J'essaie de ne pas oublier mes tâches donc je note beaucoup, je fais énormément de listes et j'utilise fréquemment mon agenda électronique. 

Malgré cela, j'ai des loupés, ce qui ne m'arrivait jamais avant de tomber malade : j'avais une mémoire que je pensais infaillible. Avec la Covid, un sentiment de vulnérabilité est venu m'envahir, de même que l'angoisse. Quand j'étais malade, j'ai eu peur à des moments où je n'arrivais plus à respirer. Je me disais qu'il fallait que j'appelle le Samu car j'allais peut-être me retrouver en détresse. Mais, en même temps, j'avais une telle crainte d'être hospitalisée, coupée de ma famille et de mon quotidien, que je n'allais pas au bout.

'Tu vas t'en sortir, tu vas guérir tout seule, tu vas y arriver'

C'était nourri par le fait que je ne pouvais pas m'empêcher de regarder les informations au moins une fois tous les deux jours : voir les reportages sur des personnes qui allaient à l'hôpital et n'en ressortaient pas m'était insupportable. Je luttais avec moi-même en me disant : 'Tu vas t'en sortir, tu vas guérir tout seule, tu vas y arriver, tu es bien suivie par ton médecin'. On faisait un appel tous les deux à trois jours, dont certains en visio. Au bout d'un mois, quand je ne respirais toujours pas très bien, il m'a demandé de passer à son cabinet. 

Il a écouté mes poumons, a examiné mon taux d'oxygène dans le sang et m'a dit que j'étais plutôt en voie de guérison et qu'il n'y avait pas d'inquiétudes à avoir au niveau des poumons. Néanmoins, pour avoir la certitude qu'il n'y avait pas de lésion, il fallait faire un scanner. Vu comme tout était saturé à l'époque, j'ai préféré attendre. Finalement, je ne l'ai pas fait. Peut-être à cause des moments où j'ai eu des doutes, surtout quand j'ai commencé à aller mieux.

L'instinct de survie était très fort

Avec le recul, il y a eu une sorte de : 'Ça va en fait, je vais bien'. Comme si la maladie était un lointain souvenir, comme si c'était arrivé à autre moment de ma vie, que je n'étais pas passée par toutes ces épreuves et qu'elles n'avaient pas été aussi difficiles. Cela me semble hors du temps, hors de moi. Le corps a une capacité de se reconstruire, de passer à autre chose assez impressionnante : l'instinct de survie était très fort et occulte un peu ces évènements. 

Avec les nouveaux symptômes de perte d'odorat et de goût, je me suis dit que je n'avais peut-être pas eu la Covid, finalement. Mais, quand j'en parle avec mon mari, il me dit que ce n'était pas dans ma tête, que je ne m'invente pas des souvenirs, que c'était très dur et qu'il a eu peur pour moi. Sur le moment, il ne m'en faisait pas trop part pour ne pas m'ajouter une inquiétude supplémentaire. Puis, j'avais le soutien de mes amis, on s'envoyait des messages WhatsApp : ça m'a occupée, m'a beaucoup aidée à me sentir moins seule et plutôt comprise.

Je n'ai pas du tout envie de revivre ça

Aujourd'hui, je n'ai qu'une hantise, celle de retomber malade. Je n'ai pas du tout envie de revivre ça: je rêve que les scientifiques trouvent vite une solution, que ce soit réglé ! Surtout que l'on n'est pas sûrs que les anticorps pour ne pas contracter le virus une deuxième fois soient systématiquement développés. J'aimerais bien faire un test sérologique pour être fixée ; je vais en parler à mon médecin.

Pour l'instant, on continue à faire très attention. Lorsqu'il rentre du travail, mon mari se déshabille complètement en bas de la maison, prend une douche, se change puis monte nous rejoindre. On ne prend pas les transports et on limite les contacts avec l'extérieur. En somme, on retrouve une petite vie sociale de quartier, mais le retour à la vie d'avant n'est pas encore d'actualité".

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