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Economie de la Santé

Compétitivité et innovation : pourquoi la France a du mal à tenir son rang

La France perd du terrain en Europe en terme de compétitivité et de capacité à innover dans les industries de la santé. Un sytème lourd et très régulé explique la prudence des investisseurs. 

Compétitivité et innovation : pourquoi la France a du mal à tenir son rang Oleg Elkov/iStock




L'ESSENTIEL
  • La France a perdu ces dernières de sa compétitivité dans les industries de santé en Europe
  • Le système de régulation des prix et les procédures de mise sur le marché sont des freins aux investissements

"Placer le pays dans une dynamique de croissance mondiale". Tel était l'objectif avancé par Edouard Philippe, premier Ministre, lors du 8ème Conseil Stratégique des Industries de Santé le 10 juillet 2018. Une ambition pour répondre à une situation préoccupante : "Dans de nombreux domaines stratégiques (accès des patients aux médicaments, fiscalité du secteur, instabilité réglementaire, la France perd du terrain face à ces concurrents européens", note le LEEM (le syndicat de l'industrie pharmaceutique) en 2020. Un constat appuyé sur des chiffres qui montrent que dans ce domaine notre pays a enregistré en 2019 une croissance quasiment nulle (+ 0,5%) et surtout entre 2010 et 2015 une baisse significative des investissements productifs (-4,5%). Des performances très inférieures à celles que réalisent plusieurs de nos voisins européens comme le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne.

La France ne manque pas d'atouts

Et pourtant, la France ne manque pas d'atouts pour que ses industries de santé répondent aux nouveaux besoins liés au vieillissement de la population et au développement des maladies chroniques : les industries de santé ce sont plus de 3 000 entreprises, des structures de taille internationale au PME, ETI et start-up, 400 sites de production qui permettent au secteur de la pharmacie d'être le 4ème plus gros exportateur derrière l'aéronautique et l'automobile en générant un excédent de 3,3 milliards d'euros et, surtout, plus de 7 milliards par an consacrés à la recherche et au développement dans le médicament et les dispositifs médicaux qui placent le pays à la première place en Europe pour les investissements publics dans la santé.

"Nous disposons en France d'un formidable savoir-faire et notre recherche fondammentale en pharmacie est de très haut niveau, confirme Jean-Jacques Zambrowski, médecin et économiste de la santé, mais malgré cette qualité de notre recherche et de nos équipes, ce secteur est victime d'une véritable pauvreté d'incitations !".

Le poids de notre système social

A l'heure où la recherche avance à grands pas vers des traitements innovants basés sur la génétique, les cellules-souches, les biomarqueurs prédictifs et dans le domaine de la robotique médicale, quels sont les freins qui pénalisent la compétitivité de la France ? "Manque de perspectives faute d'un dispositif prévisionnel capable de détecter à l'avance les médicaments innovants susceptibles de modifier l'offre de soins et d'impacter les finances publiques, absence de visibilité sur une politique à long terme du médicament avec un cadre de financement adapté et absence de cohérence entre les objectifs de politique industrielle et les politiques de régulation", pointe le LEEM.

Mais pour Jean-Jacques Zambrowski, le problème est plus vaste. "Le poids de notre système social croisé avec la libre circulation des marchandises en Europe est évidemment dissuasif aux yeux des industriels qui préfèrent se tourner pour leurs investissements vers des pays comme l'Irlande qui mettent l'industrie de la santé au coeur de leur développement", analyse-t-il.

Une régulation des prix des médicament pénalisante

"Et puis, surtout, l'état d'esprit qui préside en France à la fixation des prix des médicaments est aussi très pénalisant", affirme pour sa part Jean-Jacques Zambrowski qui dénonce un système de régulation qui "fait porter 50% des économies à réaliser sur le médicament". "Quand le CEPS (comité économique des produits de santé) donne un prix trop bas pour un médicament, cela n'incite pas les industriels à investir en France !", ajoute-t-il.

Autant de failles qui devaient être comblées par le "programme" annoncé lors du CSIS du 10 juillet 2018. Avec comme fil rouge un meilleur accès aux soins du patient, une relance de la recherche clinique et de nouvelles règles de régulation.

Les décisions qui ont été actées ce jour-là concernent en effet en premier lieu le renforcement de l'accès des patients aux traitements innovants. Alors qu'il est souvent nécessaire d'attendre plus de 500 jours -530 jours en moyenne, selon les données du LEEM-  avant que ces traitements, après leur autorisation de mise sur le marché, voient leur prix publié au journal officiel, ce qui marque l'accès réel des patients au produit, le gouvernement a fixé comme objectif de réduire ce délai à 180 jours - ce qui mettrait la France en conformité avec la directive européenne sur ce sujet- d'ici à 2022. L'autre engagement sur l'accès à l'innovation concerne le dispositif des ATU (autorisation temporaire d'utilisation). Celui-ci permet de délivrer des médicaments avant publication du prix au J.O. mais actuellement seulement sur leur première indication. Pour mieux prendre en compte les développements cliniques, notamment en cancérologie, l'objectif est d'étendre ce dispositif aux extensions d'indications thérapeutiques.

Un retour sur les investissements en recherche

Quel lien entre ces mesures et la compétitivité de la France dans le médicament ? Une plus grande souplesse dans la mise sur le marché de l'innovation et, de fait, une assurance pour l'industrie d'avoir un retour plus rapide et moins hypothétique sur ses investissements en matière de recherche. C'est le même objectif qui est poursuivi avec l'engagement d'accélérer les procédures d'autorisation des essais cliniques, la création du Health Data Club qui doit optimiser l'utilisation des données de santé ou le développement d'une filière d'excellence dans le domaine des biotechnologies et des médicaments de thérapie innovante.

Pour Jean-Jacques Zambrowski, "ces promesses allaient dans le bon sens ... mais qu'en est-il advenu? On reste un peu sur notre faim !". Et ce connaisseur du monde de la santé ne se fait guère d'illusions sur la suite des événements : "La sécurité sociale qui impose des économies reposant pour une part trop lourde sur le médicament na va pas bien ... et ce n'est pas la crise sanitaire que nous traversons qui va aider !".

Selon lui, les vraies solutions sont à chercher, au-delà du respect des engagements pris par le gouvernement lors du CSIS de juillet 2018, dans un nouveau regard sur les finances du "payeur" qu'est l'Assurance maladie. "D'autres gisements d'économies existent, regardions ce sui se passe du côté de la fraude sociale, voyons quelle est la part de certains acteurs comme le transport médical dans les comptes de la Sécu ...!", suggère-t-il.

"Une politique de dissuasion"

Cette difficulté de la France à retrouver sa compétitivité dans les industries de santé est pourtant une quasi-urgence. Le sujet a été très clairement évoqué par le président de la République, Emmanuel Macron, dès le début de la crise du coronavirus : la France doit nécessairement retrouver sa place afin d'assurer son autonomie dans sa capacité à prendre en charge la santé de tous. Les pénuries de certains produits indispensables aux soins lors de la phase aigüe de l'épidémie de la Covid-19 ont trop bien illustré les conséquences très concrètes du recul de compétitivité de notre pays. "Nous avons de véritables atouts dans ce domaine, mais nous devons sortir de ce que l'on peut appeler une politique de dissuasion !", conclut Jean-Jacques Zambrowski.

Ce sujet a été réalisé à partir du dossier du LEEM "100 questions sur le médicament" 

Retrouvez ci-dessous la fiche sur le thème " Compétitivité : la France est-elle toujours dans la course des nations innovantes ?"

https://www.leem.org/100-questions/competitivite-la-france-est-elle-toujours-dans-la-course-des-nations-innovantes

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