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QUESTION D'ACTU

Etude en Ile-de-France

Le bruit nous empoisonne lentement

Recours plus important aux médicaments chez les hommes, hospitalisations plus fréquentes pour les femmes, le bruit n'altère pas que les oreilles.





« Le bruit, c'est la vie, rappelle en préambule le Dr Jean-Marie Cohen, qui se penche sur les liens entre la santé et le bruit. Cependant, l'excès de bruit peut aussi constituer une nuisance ». La région Ile-de-France a commandé une étude sur le sujet. 78 médecins généralistes ont été mobilisés. Et 4391 patients de plus de 15 ans ont répondu à un questionnaire fin 2005.

Les résultats sont en cours d'analyse, mais le Dr Jean-Marie Cohen en a fait une présentation préliminaire lors d'un congrès du Centre d'information et documentation sur le bruit (CIDB) en décembre dernier. Un quart des patients se plaint spontanément du bruit et un tiers a un domicile exposé au bruit routier supérieur à 65 décibels. La prise de médicaments contre l'hypertension artérielle est 5,6 fois plus fréquente chez les hommes de 40 à 69 ans dont le domicile est survolé par des avions à moins de 1000 mètres d'altitude. Elle est encore 2,6 fois plus fréquente chez les hommes plus jeunes (15 à 39 ans) dont le domicile est survolé à moins de 2000 mètres.
Le Dr Cohen a constaté 4 fois plus d'hospitalisation chez les femmes (40 à 69 ans) dont le domicile est soumis au bruit routier supérieur à 65 décibels. Pour le Dr Jean-Marie Cohen « le bruit peut être un poison insidieux qui agit dose après dose. » Si dans le monde du travail, la toxicité des nuisances sonores a été prise en compte (réglementation mise en place, équipements préventifs), ce n'est pas le cas au domicile et dans les loisirs. « Nous manquons d'études épidémiologiques, et le diagnostic est trop souvent laissé à l'initiative du sujet, estime le Dr Paul Avan, du laboratoire de biophysique sensorielle de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand.

Or la surdité progresse de manière insidieuse, donc le sujet ne s'alarme pas automatiquement. Les cellules ciliées ne se régénèrent pas une fois que les stéréocils sont cassés, ou si la cellule meurt suite à une surdose de glutamate. »   Le bruit est nocif pour l'audition à des niveaux très inférieurs au seuil de la douleur (120 dBA).
Le seuil de danger au-delà duquel des dommages peuvent survenir, est estimé à 85 dBA. Mais cela dépend aussi de la durée. Un son écouté à 90 dB durant plusieurs heures peut provoquer les mêmes lésions qu'un son de 100 dB sur une période plus courte. Plus insidieux, le traumatisme sonore chronique affecte progressivement l'oreille interne sans que le sujet ait vraiment conscience de la dégradation de son audition, jusqu'au stade du réel handicap social.

La qualité du son a aussi changé, notamment dans le cadre des loisirs. Sur tous les médias (radio, TV, DVD, baladeurs MP3), les sons sont le plus souvent compressés. Ce traitement consiste à remonter systématiquement les niveaux faibles pour qu'ils rejoignent les niveaux forts. C'est le cas du format numérique MP3 de stockage et de téléchargement qui ne fait qu'accentuer le phénomène de compression. Ce n'est pas sans conséquence. « L'auditeur s'habitue à un son sans nuances, ce qui prive l'oreille de toute gymnastique. Une fois habituée à ce son prémâché, l'audition a beaucoup de mal à revenir sur des sons de faibles niveaux. L'oreille devient paresseuse », explique Christian Hugonet, ingénieur acousticien et président de La Semaine du son. D'autre part, des jeunes enfants, habitués chez eux à regarder des dessins animés dont le son est compressé, risquent de s'exprimer fort et sans nuance comme leurs jeunes oreilles ont été formées. Des chefs d'orchestre de plusieurs conservatoires de musique témoignent de leurs difficultés récentes à obtenir de leurs instrumentistes des nuances dans les plus faibles niveaux.»  

 

Questions au Pr Bruno Frachet, chef du service ORL à l'hôpital Avicenne (Bobigny)

« La prise de conscience existe chez les jeunes » 


Les jeunes sont-ils plus exposés aux excès de bruit ?

Pr Bruno Frachet. Il est clair que la profusion d'ambiances sonores excessives, en particulier dans le domaine du loisir, soit avec le port chronique de baladeurs, ou le traumatisme aigu dû aux concerts ou aux boîtes de nuit, expose réellement à un risque auditif. Mais les situations sont complexes et singulières. Chacun a sa propre fragilité auditive.

Observez-vous une augmentation des problèmes auditifs chez les jeunes ?
Pr B.F. Nous n'avons pas de données statistiques fiables. Du temps du service national obligatoire, nous pouvions avoir une idée de l'état auditif de la population masculine jeune. Ce qu'on observe de nos jours, c'est qu'il se développe de plus en plus un souci de protection. Je crois que les différentes actions de prévention vis-à-vis des traumatismes sonores ont entraîné, malgré tout, une prise de conscience. Nous voyons des jeunes qui portent plus volontiers qu'avant des bouchons d'oreilles. Ils sont peut-être mieux informés des risques. De ce côté là, j'estime que c'est plutôt positif. Cependant, un certain nombre de producteurs de son, comme les DJ, ne respectent pas les normes, et cela peut être assez pernicieux quand ils augmentent progressivement le son au cours de la soirée.

Faut-il lancer de nouvelles campagnes de prévention ?
Pr B.F. L'effort ne doit pas être relâché. Cependant, si une campagne est lancée au niveau national, il faut la réaliser avec finesse et sans volonté moralisatrice. Pour les jeunes, le bruit est perçu comme une source de plaisir. C'est juste, mais il faut montrer la frontière entre le plaisir et le danger. Expliquer, par exemple, que l'oreille est une usine chimique, et que, si elle ne se repose pas, les conséquences sont irréversibles. Il faut leur montrer qu'une perte d'audition entraîne une perte de plaisir... Les médecins généralistes peuvent faire passer ce message. Entretien avec M.G  


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