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Entretien

Covid-19 : «Les personnes qui souffrent d’allergies classiques peuvent se faire vacciner sans crainte»

Alors que la campagne de vaccination contre la Covid-19 est lancée en France, le professeur Alain Didier, pneumologue, allergologue et chef du pôle des voies respiratoires au CHU de Toulouse, en détaille les risques éventuels pour les personnes allergiques.

Covid-19 : \ Dejan_Dundjerski / istock.




- Pourquoi docteur - En Alaska, une professionnelle de santé a fait un "choc anaphylactique" après avoir reçu le 15 décembre dernier une première injection du vaccin Pfizer/BioNTech. Deux cas similaires ont été observés au Royaume-Uni. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette réaction ? 

Alain Didier - Un choc anaphylactique est la survenue quelques minutes après l’injection de différents signes cliniques qui, en général, associent de l’urticaire, un malaise général ou une difficulté à respirer. C’est le plus souvent une réaction allergique, mais l’organisme peut aussi mimer une réaction allergique en libérant brutalement certaines substances présentes dans l’organisme, comme l’histamine, sans que cela passe par un mécanisme allergique. On parle alors plutôt de réactions d’hypersensibilité ou d’intolérance. 

- Ces réactions allergiques sont-elles liées au polyéthylène glycol ?

On ne le sait pas encore avec certitude, mais c’est une des hypothèses avancées. En effet, une des particularités des nouveaux vaccins à ARN contre la Covid-19 est qu’ils contiennent du polyéthylène glycol, contrairement aux autres vaccins. Cette molécule est utilisée pour rendre le vaccin plus soluble, afin qu’il puisse être diffusé rapidement dans les cellules de l'organisme. 

- D’autres substances sont-elles mises en cause ? 

Oui, d’autres excipients sont suspectés de pouvoir provoquer des réactions allergiques, mais comme ce sont des molécules qui sont couramment utilisées dans d’autres types de vaccins, on penche plus vers le polyéthylène glycol. 

- Les réactions allergiques aux vaccins sont rares, avec un ratio d'environ 1,3 pour 1 million de personnes. En est-il de même pour les vaccins contre la Covid-19 de Pfizer-BioNTech et de Moderna ?

Oui, on semble partir sur le même rapport de risque. Néanmoins, on n’a pour l’instant pas vacciné suffisamment de gens pour pouvoir faire de la statistique exacte, et ce même si 40 000 personnes ont été testées dans les essais cliniques de pré-commercialisation. 

- Les personnes souffrant d'allergies peuvent-elles se faire vacciner contre la Covid-19 ?

Oui. Les personnes qui souffrent d’allergies classiques, comme les allergies respiratoires ou alimentaires par exemple, peuvent se faire vacciner sans crainte contre la Covid-19. Celles qui doivent éviter de se faire vacciner sont les personnes qui ont déjà fait des réactions anaphylactiques après une prise de médicament qui contenait du polyéthylène glycol.  

- Les personnes non allergiques peuvent-elle développer une réaction allergique aux vaccins contre la Covid-19 ? 

A priori non, mais si une personne est allergique au polyéthylène glycol et qu’elle avait développé lors de la confrontation précédente avec la molécule des manifestations allergiques mineures passées inaperçues, elle pourrait réagir lors de l’injection. Cela reste une éventualité plus théorique que réelle.

- L'immunisation contre la Covid-19 des femmes enceintes est-elle conseillée ? 

Pour l’instant, la vaccination reste déconseillée pour les femmes enceintes et allaitantes. Comme tout nouveau médicament, mieux vaut être extrêmement prudent avant de l’administrer pendant une grossesse. Sachant que l’on manque de recul sur la gravité de l’infection à SARS-CoV-2 chez les femmes enceintes et que la vaccination est pour l’instant déconseillée, il faut insister sur le respect strict des mesures barrières pendant la grossesse.

- Doit-on signaler une allergie avant de se faire vacciner contre la Covid-19 ?

Affirmatif. Ce signalement fait d’ailleurs partie du questionnaire que toute personne devra remplir quand elle ira se faire vacciner contre la covid-19 chez son médecin généraliste. S’il y a une réponse positive à la question concernant de précédentes allergies, le médecin devra pousser plus loin l’entretien pour préciser de quel type d’allergie il s’agit. Son but sera surtout de repérer les personnes ayant déjà eu des réactions anaphylactiques, et il n’aura pas besoin d’un allergologue pour déterminer s’il s’agissait d’une manifestation de ce type. Pour les patients ayant des antécédents d’anaphylaxie sévère, un avis allergologique sera souhaitable.

- La surveillance des patients pendant 15 minutes après la vaccination permet-elle de gérer en toute sécurité les réactions allergiques éventuelles, ou peuvent-elles apparaître beaucoup plus tard ?

Ce laps de temps permet de gérer les réactions allergiques les plus graves, qui interviennent entre 15 et 30 minutes après l’injection. Pour ceux qui auraient des antécédents allergiques sévères avec une suspicion de réaction vis-à-vis du polyéthylène glycol ou du polysorbate (un autre excipient), il faudra allonger la surveillance à trente minutes après la vaccination.

Cela n’exclut pas la possibilité d’avoir des réactions allergiques plus tardives au vaccin contre la Covid-19, mais qui ne mettent pas la vie en danger. Il peut par exemple s’agir d’une urticaire, d’un gonflement de la lèvre et/ou du visage appelé angioœdème, de démangeaisons ou encore d’un peu de fièvre. Dans ce cas, il faudra bien les signaler au personnel soignant, parce qu’on ne fera pas la deuxième injection aux personnes qui ont eu des réactions allergiques au premier vaccin.

- Existe-t-il encore des inconnues concernant les réactions allergiques aux vaccins contre la Covid-19 ?

Il y a deux zones d’incertitudes majeures concernant les vaccins contre la Covid-19 : d’abord savoir quelle est la fréquence réelle des réactions allergiques, et ensuite identifier la molécule allergène. Une fois les réponses apportées, on pourra être beaucoup plus précis sur les personnes qu’il faut ne pas vacciner avec ce type de vaccin à ARN.

- En tant qu’allergologue et pneumologue, que pensez-vous de la campagne française de vaccination contre la Covid-19, qui est très critiquée ?  

Je l’encourage à 100%. En tant que pneumologue, je suis confronté au coronavirus depuis presque un an, j’ai vu beaucoup de formes sévères et je suis persuadé que le seul moyen de sortir de ces grandes difficultés sanitaires et sociales, c’est de vacciner en masse. Il y a beaucoup de pays qui ne se posent pas les mêmes questions qu’en France…

- Les réactions allergiques aux premières vaccinations contre la covid-19 ont-elles un impact sur l'adhésion de votre patientèle à ma vaccination ?

C’est très partagé, et cette question revient beaucoup dans mes consultations. Il y a des allergiques qui sont très motivés pour se faire vacciner, mais qui ont peur de ne pas pouvoir le faire à cause de leurs précédentes réactions. A l’inverse, il y a des allergiques qui mettent en avant leur problème pour ne pas se faire immuniser contre la Covid-19.

Ce vaccino-scepticisme, qui est également très fort chez les soignants non médecins de l’hôpital dans lequel je travaille, est vraiment curieux pour le pays de Pasteur. On a vite oublié le nombre de maladies virales graves qu’on a éradiquées dans le passé avec la vaccination.

- Souhaitez-vous ajouter quelque chose en conclusion ?

Le message que l’on veut faire passer avec mes collègues allergologues, c’est que la majorité des antécédents d’allergie ne doivent pas contre-indiquer la vaccination anti-coronavirus.

Et pour les rares allergiques au polyéthylène glycol, ils pourront se faire vacciner plus tard, avec d’autres vaccins exempts de cette molécule qui arriveront sur le marché.

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