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QUESTION D'ACTU

L'interview du week-end

«Après une transplantation d'utérus, une chance sur deux d'obtenir une grossesse»

Le CHU de Rennes a obtenu récemment le feu vert pour pratiquer des greffes d'utérus. Retour sur cette technique avec le Pr Jean-Marc Ayoubi dont l'équipe à l'hôpital Foch (Suresnes) a réalisé en 2019 la première greffe utérine en France. Une intervention qui a permis en février dernier à une jeune femme d'accoucher d'une petite fille après avoir reçu l'utérus de sa propre mère.

\ Shidlovski/iStock




- Pourquoi Docteur : Le CHU de Rennes vient d’obtenir l’autorisation de pratiquer 16 transplantations d’utérus. Vous êtes celui qui a réalisé la première transplantation utérine en France en 2019 qui a d’ailleurs abouti en février 2021 à la naissance d’une petite fille. Pouvez-vous revenir sur les conditions de cette intervention ?

Professeur Jean-Marc Ayoubi : Cela a représenté l’aboutissement d’un protocole de recherche puisque c’est une greffe qui a été réalisée dans le cadre d’un essai clinique. Notre hôpital (hôpital Foch à Suresnes, NDLR) a travaillé pendant près de 15 ans sur ce protocole avec une vingtaine de chercheurs. Les préparations ont été longues car c’est une intervention qui n’avait jamais été réalisée auparavant. On disait jusque-là à ces femmes à qui il manquait l’utérus que ce n’était jamais possible, que jamais elles ne seraient enceintes. L’idée, c’était de compléter ce que la nature avant omis de compléter, c’est-à-dire transplanter un utérus à la place de l’utérus qui ne s’était pas développé. Ces femmes qui étaient nées sans utérus avaient un appareil génital parfaitement normal, avec un cycle mensuel lui aussi parfaitement normal. Il ne leur manquait donc que l’utérus.

- Quelles ont été les difficultés à surmonter pour réaliser cette transplantation ?

Nous avons dû attendre le feu vert de toutes les instances pour avoir un cadre médico-légal, éthique, médical et juridique parfait et cela a pris pratiquement sept ans pour avoir toutes les autorisations et inclure toutes les remarques émanant de l’Académie de Médecine, du Comité de Protection des donneurs vivants, de l’ANSM et de l’Agence de biomédecine.

- Comment la patiente qui a bénéficié de cette première greffe d’utérus en France a-t-elle été choisie ?

A l’arrivée, nous avons inclus ce premier couple, une mère donneuse vivante et sa fille, qui cochaient toutes les cases pour respecter le protocole. Il y avait notamment le fait que la fécondation avait bien fonctionné avant toute chirurgie (après une greffe d’utérus, il est nécessaire de réaliser une FIV pour aboutir à une grossesse, NDLR) et nous avons apporté notre technique de chirurgie robotique qui est maintenant la technique de référence et c’est avec cette technologie que nous avons réalisé la première greffe d’utérus.

- Qui peut prétendre à une transplantation d’utérus ?

Peut prétendre à une greffe d’utérus toute personne qui n’a pas d’utérus de naissance. Dans le cadre du protocole de recherche, il cela fait partie des critères. Mais une fois ce protocole terminé, rien n’interdit que cette greffe soit ouverte à toutes les autres patientes qui n’ont pas d’utérus, quelle que soit la cause.

- Quels sont les autres critères ?

Il y a une cinquantaine de critères, l’âge bien sûr, nous avons fixé 38 ans maximum parce que l’objectif de la greffe n’est pas de réaliser une transplantation pour simplement réaliser une transplantation, il faut qu’il y ait un projet de grossesse. On ne va pas faire une greffe d’utérus chez une femme qui n’a pas d’utérus à 55 ans ! On a fixé cet âge maximum de 38 ans pour la receveuse, 55 ans pour la donneuse. Il faut évidemment qu’elles soient l’une et l’autre indemnes de toute autre maladie, hypertension, diabète, maladie auto-immune. Il faut par ailleurs que la donneuse n’ait pas subi de césarienne et qu’elle ait un utérus sain.

Chez la receveuse, il faut s’assurer qu’elle n’ait pas d’autres maladies qui rende encore plus important le risque de réaliser une greffe. Tout est fait pour minimiser le risque de complications.

- Dans cette première greffe, la receveuse et la donneuse sont une jeune femme et sa mère. Ce lien de parenté est-il indispensable ?

Le fait que dans notre couple donneuse-receveuse ce soit la maman qui était donneuse n’a pas posé de problème et cela s’est fait exactement comme un don de rein par un donneur vivant. Dans le protocole, ce n’est pas obligatoirement la mère mais ce doit être une donneuse apparentée, bénévole, proche de la receveuse. Cela peut être soir la sœur, la mère, mais aussi une amie proche et évidemment en absence de toute forme de chantage matériel, cela va de soi, mais aussi psychologique.

- Justement, quelle est la place de l’éventuel impact psychologique lorsque l’on réalise la transplantation d’un organe aussi symbolique que l’utérus ?

Il y a des questions éthiques, il y a des questions médico-légales, il y a bien-sûr aussi des questions psychologiques et cette dimension n’avait pas été sous-estimée : il y avait dans l’équipe un psychologue qui s’occupait et de la receveuse et de la donneuse. Nous avons dû, avant cette première transplantation, exclure certaines patientes parce qu’au regard de leur situation psychologique, cela n’était pas parfaitement cadré.

- Quelles sont les chances qu’une transplantation d’utérus aboutisse à une grossesse ?

Si l’on se base sur toutes les greffes qui ont été réalisées à travers le monde et sur les naissances auxquelles elles ont abouti, on peut dire que la chance d’obtenir une grossesse est remarquablement élevée, on a au moins une chance sur deux.

- Pourquoi une grossesse spontanée est impossible ?

Les grossesses spontanées sont impossibles parce que l’on enlève les trompes. On les retire parce que le risque qu’elles soient mal irriguées et qu’elles nécrosent entraîne une complication supplémentaire. Du coup, il n’est plus possible pour la receveuse d’être enceinte spontanément.

L’autre raison, c’est parce que la receveuse est placée sous traitement immunosuppresseur à la suite duquel on doit attendre au moins un an avant une grossesse spontanée. Cela veut dire que l’on risque de perdre des mois de traitement immunosuppresseur sans pour autant avoir une grossesse.

Mais théorie, rien ne serait impossible si on prenait le risque de laisser les trompes.

- Puisqu’elle doit s’appuyer sur un projet de grossesse, peut-on considérer la transplantation utérine comme une nouvelle forme de PMA ?

De toute façon, s’il n’y avait pas l’assistance médicale à la procréation c’est-à-dire dans ce cas à la fécondation, il n’y aurait pas la possibilité de faire cette intervention et qu’elle aboutisse à une grossesse. Mais la transplantation, c’est autre chose. C’est le traitement d’une partie des causes d’infertilité, l’infertilité utérine, mais elle passe par une assistance médicale à la procréation. Dans ce processus de traitement de l’infertilité, la transplantation utérine est une composante chirurgicale de la prise en charge et l’assistance médicale à la procréation en fait partie aussi pour obtenir l’embryon et aboutir à la grossesse.

 

 

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