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L'interview du week-end

Dépression post-partum : «Il faudrait intégrer une dimension psychologique au parcours de la maternité»

Que valent les annonces du secrétaire d'Etat à l'enfance, Adrien Taquet, sur la prise en charge des mères atteintes d’une dépression post-partum? La psychiatre spécialiste de la périnatalité Fanny Jacq nous explique ce qu’elle en pense.

Dépression post-partum : \ grinvalds / istock.




L'ESSENTIEL
  • La dépression post-partum peut toucher tout le monde, mais les femmes qui ont le plus de risques d’en faire une sont celles qui ont déjà fait une dépression post-partum ou une dépression classique ; ont eu une grossesse ou un accouchement compliqué ; vivent dans des conditions socioéconomiques peu favorables (difficultés financières, séparation, isolement...).

- Pourquoi docteur : Un "entretien systématique autour de la cinquième semaine après l'accouchement" sera instauré début 2022 pour repérer les dépressions post-partum. C’est ce qu’a annoncé le secrétaire d'État à l'Enfance Adrien Taquet lors des Assises de la santé mentale à Paris. Que pensez-vous de cette initiative ?

Fanny Jacq - Je ne peux qu’être ravie de cette initiative, car il faut bien commencer par quelque chose. Néanmoins, cette mesure n’est pas suffisante. D’abord parce que ce type de dépression peut s’installer dès la grossesse. Dans ce cas-là, un entretien après l’accouchement intervient trop tard, car la maman est déjà malade. Ensuite, le pic de la dépression post-partum se situe plutôt autour des trois mois post accouchement, donc un entretien à la cinquième semaine après la naissance ne détectera pas toutes les mères malades.

- Faut-il mettre en place d’autres choses selon vous ?

Je pense qu’un suivi psychologique sur le long terme serait plus efficace qu’un rendez-vous ponctuel avec les jeunes mamans. L’idée serait d’intégrer une dimension psychologique au parcours global de la maternité, au même titre que les échographies ou les rendez-vous avec la sage-femme par exemple. Il faudrait également mieux former les professionnels de santé à la dépression post-partum, en intégrant par exemple un module d’enseignement centré sur cette pathologie, notamment pour les internes en médecine générale et en gynécologie. Plus globalement enfin, il faudrait faire davantage de prévention sur la santé mentale dans son ensemble.

- Adrien Taquet souhaite également ouvrir "5 à 10 nouvelles unités de soins conjoints parents-bébé". Dans quel cas faut-il se tourner vers ce genre de structures ?

Les "unités mère/enfant" sont des structures d’hospitalisation psychiatrique pour les mères qui souffrent d’un épisode dépressif sévère ou d’une psychose puerpérale. Les femmes seules et précaires sont aussi prioritaires.

- Comment cela fonctionne-t-il ?

Les jeunes mamans en difficulté sont hospitalisées avec leur bébé, et prises en charge par une équipe pluridisciplinaire (infirmière, psychiatre, psychologue, pédiatre, etc...).

- 5 à 10 unités en plus, est-ce suffisant ?

C’est très bien, mais largement insuffisant. Les structures déjà en place sont débordées de demandes.

- Lorsqu’une femme s’ouvre à des professionnels de santé sur des problèmes psychiatriques liés à sa maternité, ne risque-t-elle pas de voir son enfant placé par les services sociaux ?

Oui, cela arrive de placer des enfants dans des familles d’accueil, mais c’est relativement rare. Dans les "unités mère/enfant", c’est une décision prise par une équipe multidisciplinaire, qui intervient quand il y a une mise en danger du bébé.

- Tous les ans, 100 000 femmes sombreraient dans une dépression post-partum, mais beaucoup ne sont pas diagnostiquées, notamment parce que ce sujet est encore tabou en France. Que risque-t-on à ne pas soigner cette maladie mentale ?

Si elle n’est correctement traitée par des professionnels de santé, une dépression post-partum peut durer jusqu’à trois ans. Cette pathologie peut donc entraîner des dommages collatéraux importants, comme des problèmes de couple, des soucis financiers et professionnels, des conduites additives, etc...

Non prise en charge, une dépression post-partum reviendra aussi plus facilement dans la vie. C’est un peu comme une entorse qu’on ne soigne pas ou mal : il suffit d’une toute petite chute pour se blesser de nouveau.

Enfin, une dépression post-partum qui s’éternise aura des conséquences sur l’enfant, qui risque d’être plus anxieux et timide que la moyenne. Une mère ou un père déprimé ne développera pas un lien affectif de la même qualité avec son bébé que des parents en pleine forme.

- Dans un podcast qui a beaucoup été relayé sur les réseaux sociaux, une jeune femme raconte que sa mère s’est suicidée après avoir fait une dépression post-partum. C’est effectivement un risque ?

Tout à fait. Une dépression post-partum peut conduire au suicide et à l’infanticide, ou aux deux en même temps. C’est rare, mais cela arrive.

- C’est moins connu, mais les hommes aussi sont touchés par la dépression post-partum. Dans quelle proportion ?

C’est encore plus tabou pour les hommes que pour les femmes, mais environ 18% des pères sont touchés par la dépression post-partum. C’est pour ça que je milite pour mettre en place des entretiens de suivi psychologique pour les pères ou pour les couples pendant et après la grossesse.

- Comment faut-il les prendre en charge ?

De la même manière que les mamans déprimées : avec un suivi psychologique et si nécessaire des médicaments.

- Les symptômes sont-ils également similaires ?

Chez les pères, la dépression post-partum se manifeste souvent par un désintérêt, qui est parfois pris à tort pour de la "flemmardise" : ils peuvent rechigner par exemple à changer les couches ou à donner le bain, rentrer le plus tard possible du travail pour que le bébé soit déjà couché, etc...

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