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QUESTION D'ACTU

Bibliothérapie

Lire des romans dope l'intelligence émotionnelle

Lire des textes littéraires permet de développer les capacités d'empathie et d'intelligence émotionnelle, selon une étude originale de deux psychologues américains.

Lire des romans dope l'intelligence émotionnelle  PETER MORRISON/AP/SIPA




Pour développer ses relations sociales, inutiles de multiplier les amis sur Facebook ou Twitter ! Il est plus utile de savoir décrypter un regard, interpréter un sourire… Or ces capacités d’empathies seraient développées et affinées grâce à la lecture. Et attention pour s’entraîner à décoder les humeurs de votre collègue de bureau, de pallier ou de bus, n’importe quelle lecture ne fait pas l’affaire ! D’après une étude menée par deux chercheurs de la New School for Social Research de New York, il serait préférable de se plonger quelques minutes dans les œuvres d’Anton Tchékhov, Don DeLillo ou Alice Munro, la prix Nobel de littérature 2013, que dans des articles de magazine.

Après la lecture, la mesure de l'empathie

Ces bienfaits psychologiques insoupçonnés des romans ont été démontrés par une série d’expériences originales. Les deux chercheurs, David Comer Kidd et Emanuele Castano, ont recruté plus d’une centaine de personnes âges de 18 à 75 ans. Elles ont été rémunérées 3 dollars pour lire consciencieusement un texte pendant une dizaine de minutes. Certains ont reçu des extraits d’œuvres littéraires reconnues comme le Caméléon de Tchékhov, The Runner de Don DeLillo, ou Corrie d’Alice Munro. Un autre groupe s’est plongé dans des œuvres plus « populaires » comme un polar de Dashiell Hammett, le célèbre créateur de Sam Spade ou des romans « à l’eau de rose ». Un troisième groupe a eu droit à des sujets plus prosaiques issus de la presse magazine, comme un article sur l’impact de la découverte de la pomme de terre à travers le monde… Et un dernier groupe a tout simplement échappé à l’épreuve de lecture.
Ensuite, nos deux chercheurs ont soumis l’ensemble des participants à différents tests mesurant l'empathie, la perception sociale et l'intelligence émotionnelle. Par exemple, le test "Reading the Mind in the eyes " , qui consiste à analyser des photos noir et blanc des yeux d’acteurs et à indiquer ensuite l'émotion exprimée par l'acteur en sélectionnant quatre adjectifs. Cinq tests de ce genre ont été réalisés.


Les lecteurs de Tchekov en tête des tests

Résultats : les lecteurs de fiction littéraire et romanesque avaient de bien meilleurs scores aux tests que les autres. Et sur le podium de cette étonnante épreuve psychologique, les lecteurs de Tchekhov dépassaient d’une courte tête les lecteurs de romans « populaires ». Pour les auteurs de l’étude, la force de la fiction littéraire sur nos capacités d’empathie serait due à la manière dont elle entraîne le lecteur dans l’histoire. « Contrairement à la fiction populaire, la fiction littéraire nécessite encore plus l'engagement intellectuel et la pensée créative de ses lecteurs », expliquent David Comer Kidd et Emanuele Castano.
« Ces résultats ne m’étonnent pas, déclare le Pr Michel Lejoyeux, psychiatre à l’hôpital Bichat à Paris. Tout ce qui sollicite la capacité à se projetter dans l’histoire de l’autre, la capacité à faire marcher son imagerie mentale permet d’améliorer l’empathie et l’intelligence émotionnelle. » Pour l’auteur du livre « Changer en mieux », la lecture a des vertus thérapeutiques. « Cela fait du bien, cela active autre chose que les capacités brutes de traitement de l’information, de mémorisation », souligne le praticien qui avoue demander régulièrement à ses malades ce qu’ils lisent.


Ecouter le Pr Michel Lejoyeux, psychiatre à l'hôpital Bichat à Paris. « La lecture est un signe de bonne santé. J’interroge souvent mes patients pour savoir s’ils lisent ou non, s’ils ont repris la lecture après un épisode dépressif ou un deuil. »


La bibliothérapie, ou soigner avec les livres
« Quand une personne n’arrive plus à lire, à se plonger dans une œuvre littéraire, cela peut être un indice que quelque chose ne va pas bien au niveau de l’humeur, » analyse le psychiatre. Certains vont plus loin. La lecture de fiction n’est pas seulement un signe de bonne santé mais elle est considérée comme un véritable complément thérapeutique. On parle alors de bibliothérapie. « Soutenir des patients grâce à la lecture n'est pas une idée saugrenue. Elle trotte dans la tête de beaucoup de médecins », témoigne le Dr Philippe Cornet, médecin généraliste à Paris, enseignant et écrivain. Et certains, comme lui, n'hésitent à compléter la prescription par un conseil de lecture. Il recommande régulièrement certains textes de Sénèque.

 

La lecture n'est pas un médicament
Les associations de patients adhèrent aussi à la bibliothérapie. L'Association française de diabétiques a recommandé il y a quelques années la lecture de « Chair tombale », le roman du Dr Philippe Cornet, dont le héros est un obèse « incarcéré dans son propre corps »… Le Pr Michel Lejoyeux se méfie cependant de la notion de « livre médicament ». « La littérature est une trop belle chose pour l’enfermer dans des prescriptions précises, il faut laisser la liberté et la spontanéité aux personnes. » Mais pour lui, c’est indéniable, l’expérience réalisée par la New School for Social Research de New York montre que la littérature est utile à notre bien-être. Et à l’ère des tweets et d’Internet, il invite à préserver ces temps de lecture plus profonde que proposent les œuvres littéraires.


Ecouter le Pr Michel Lejoyeux : « Il faut faire attention à ce que la lecture ne devienne pas une sorte de balayage superficiel. »

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