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QUESTION D'ACTU

Dépression de l'enfant

Le Prozac à partir de huit ans et avec des pincettes

En France, 40 000 enfants et adolescents sont traités chaque année par antidépresseurs, selon l'Afssaps qui souhaite encadrer et surveiller ces prescriptions.





Nouvel épisode dans la saga des antidépresseurs chez l'enfant et l'adolescent. Un an et demi après le feu vert de l'Agence européenne du médicament (EMEA), et avec beaucoup de réticences et de réserves, la France vient d'autoriser la prescription de fluoxétine (Prozac et ses génériques) à partir de l'âge de huit ans. Contrainte d'appliquer cette décision européenne (*), en principe dans un délai de trente jours, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) assume le temps pris pour la réflexion, du fait d'inquiétudes sur la toxicité de ce produit sur la croissance. Une étude chez le rat juvénile a en effet montré « des effets délétères de la fluoxétine sur la croissance, ainsi que sur la maturation sexuelle et les organes sexuels, en particulier des atteintes irréversibles », précise l'Agence. En outre, plusieurs dizaines de cas de retard ou d'arrêt de croissance ont été décrits aux Etats-Unis et en Israël chez des enfants traités au long cours par du Prozac ou d'autres inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS). 


En attendant de nouvelles données toxicologiques qui doivent être fournies par Lilly, fabricant du Prozac, l'AFSSAPS a présenté cette semaine des recommandations assez drastiques pour « le bon usage des antidépresseurs chez l'enfant ». Le document sera envoyé à tous les prescripteurs.
Ils sont potentiellement nombreux. En France, selon l'AFSSAPS, environ 40 000 jeunes (10 000 enfants et 30 000 adolescents) sont traités chaque année par des antidépresseurs, dont 80% par des ISRS. Le Prozac ne représenterait qu'une faible part des ordonnances.« Dans les deux tiers des cas, la prescription est faite par un généraliste », précise le Dr Anne Castot, responsable du département de la surveillance des risques, du bon usage et de l'information sur les médicaments à l'AFSSAPS.


Les autorités britanniques ont été les premières à s'inquiéter


Le débat sur la balance bénéfices/risques  des antidépresseurs chez l'enfant n'est pas nouveau. En 2003, les autorités sanitaires britanniques ont été les premières à s'inquiéter des résultats d'essais cliniques montrant une augmentation des risques de comportements suicidaires ou agressifs chez des adolescents traités par paroxétine (Deroxat). « Un frein a été mis sur le Deroxat, puis peu à peu sur l'ensemble des médicaments de la classe, raconte Anne Castot. Fin 2004, l'Agence européenne du médicament (nouvellement créée NDLR) a considéré que les antidépresseurs n'étaient pas recommandés chez l'enfant. En France, nous avons constitué un groupe d'experts, qui a considéré qu'il fallait garder la possibilité de prescrire ces médicaments dans certaines situations ». Début 2006, l'AFSSAPS a édité des recommandations à ce sujet pour les prescripteurs. C'est alors que les laboratoires Lilly ont demandé l'extension d'AMM pour le Prozac chez l'enfant en Europe, le produit étant déjà autorisé chez les petits Américains…


Une surveillance du comportement et de la croissance


Sur le papier, l'extension d'AMM de la fluoxétine délivrée en août 2006 par l'Agence européenne concerne le « traitement des épisodes dépressifs majeurs d'intensité modérée à sévère, en association à un traitement psychothérapique, chez des enfants âgés de 8 ans et plus, pour lesquels un traitement psychothérapique seul n'est pas suffisant ». Les autorités françaises vont beaucoup plus loin en émettant des recommandations supplémentaires. « Il y a des situations où l'on ne peut pas se passer des antidépresseurs, mais on veut éviter toute banalisation », a justifié Jean Marimbert, le directeur général de l'AFSSAPS, lors d'une conférence de presse. D'abord, estime l'Agence française, le traitement médicamenteux ne doit être envisagé que dans des cas sévères ou extrêmes de dépression juvénile. Ensuite, il faut tenir compte de l'âge.


Chez l'enfant, les antidépresseurs n'arrivent qu'en deuxième intention, si la psychothérapie est insuffisante. Leur prescription relève d'un pédopsychiatre, insistent les experts. Les modalités sont un peu plus souples chez les adolescents où ces médicaments peuvent être ordonnés par un généraliste, et éventuellement en première intention dans les cas sévères. Enfin, les petits patients doivent être surveillés comme le lait sur le feu, en particulier pour les risques de « comportement suicidaire et/ou hostile » et ceux de troubles de la croissance ou de la maturation sexuelle. Pendant la période pré et péri-pubère, « si le traitement par fluoxétine se prolonge au delà de trois mois, une consultation auprès d'un pédiatre endocrinologue doit être envisagée en cas de doute sur le déroulement de la croissance ou de la maturation sexuelle préconise l'AFSSAPS. Un bilan endocrinien est également recommandé ». Parallèlement, un dispositif spécifique de pharmacovigilance est mis en place au niveau national, dans le cadre du nouveau système de « plan de gestion des risques ».


(*) Les procédures d'enregistrement
Depuis 1998, il existe deux procédures d'enregistrement des médicaments en Europe : la procédure centralisée et la procédure par reconnaissance mutuelle. Dans la procédure centralisée, le dossier est déposé à l'Agence européenne (EMEA). Il aboutit à une AMM unique valable dans tous les pays de l'Union européenne. Dans la procédure de reconnaissance mutuelle, une première AMM doit être obtenue dans un pays, nommé Etat membre de référence, précise un article signé Jean-Noël Colin. Cet Etat doit rédiger un rapport d'évaluation. Les autres Etats membres dans lesquels le laboratoire souhaite obtenir l'AMM reçoivent ce rapport d'évaluation ainsi que le dossier initial d'AMM. Un accord doit alors intervenir entre la firme, l'Etat membre de référence et les Etats membres concernés. En cas de problème, un arbitrage peut être effectué à l'EMEA.

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