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QUESTION D'ACTU

Opération anglo-polonaise

Un paraplégique remarche grâce à une greffe de cellules olfactives

Retrouver l’usage de ses jambes, c’est un rêve souvent évoqué par les paraplégiques. Pour Darek Fidyka, il est devenu réalité, grâce à une greffe qui a « réparé » sa moelle épinière.

Un paraplégique remarche grâce à une greffe de cellules olfactives Capture d'écran du reportage Panorama diffusé sur BBC One




Il a pu remarcher malgré sa moelle épinière sectionnée. A 38 ans, Darek Fidyka est le symbole d'une médecine qui avance. Il est en effet le premier patient à avoir bénéficié d’une greffe de cellules olfactives. Elle avait pour but de restaurer sa sensibilité et sa fonction motrice sous de la zone lésée de la colonne vertébrale. Le compte-rendu de son opération et de ses suites paraîtra dans Cell Transplantation.

 

Un « pont nerveux »

Tout commence par un accident en 2003. Le jeune Britannique Daniel Nicholls plonge dans une vague en Australie. Il heurte violemment un banc de sable, sa moelle se sectionne. Il est instantanément paralysé à partir du cou. Son père, David Nicholls, lui fait alors la promesse qu'il pourra retrouver sa mobilité et se lance à la recherche de médecins qui y parviendront. Il crée la Nicholls Spinal Injury Foundation (NSIF), qui finance de nombreux travaux, dont ceux de l’Institut de neurologie du University College de Londres (Royaume-Uni).

Le Pr Geoffrey Raisman est à sa tête. Il travaille notamment sur les cellules olfactives engainantes, présentes dans le cerveau. Lorsque leurs fibres nerveuses sont endommagées, elles sont rapidement remplacées par d’autres fibres qui se connectent avec le bulbe olfactif, une région du cerveau proche des fosses nasales et qui gère l’odorat.

 

Lorsque David Nicholls la contacte, l'équipe britannique a imaginé un moyen d’inciter les nerfs endommagés de la colonne à repousser grâce à une autogreffe de cellules olfactives engainantes, accompagnées de leurs fibroblastes. L’opération consiste à retirer un bulbe olfactif, puis à prélever les cellules olfactives engainantes et les fibroblastes nerveux. Ces cellules seront ensuite mises en culture de manière à former des « filaments » nerveux, que les chirurgiens pourront injecter dans la colonne. Cela constitue une sorte de « pont nerveux » entre les deux parties de la moelle épinière, ce qui devrait restaurer, au moins en partie, la sensation et la motricité.

 

Aucun espoir de récupération

En 2010, les essais sur l’homme commencent, suivis par une équipe de la chaîne britannique BBC One, dont le reportage sera diffusé dans l’émission Panorama, ce 21 octobre à 23 h 35. L’Université médicale de Wroclaw, en Pologne, se charge de l’opération. L'équipe est dirigée par le Dr Pawel Tabakow. C’est Darek Fidyka qui bénéficie le premier de cette technique novatrice. Ce Polonais de 38 ans a été frappé à l’arme blanche au niveau de la vertèbre Th9 quatre ans plus tôt. La lame a sectionné la moelle et l’a laissé paralysé.

C’est ce qu’on appelle une lésion totale : aucune fonction motrice ou sensorielle n’a été préservée sous la vertèbre en question, et il n’a aucun espoir de récupération spontanée. Pendant les 8 mois qui précèdent l’intervention, Darek Fidyka suit un programme de neuro-rééducation intense : 5 heures par jour, 5 jours par semaines, il participe à un entraînement locomoteur, sensoriel et des exercices d’étirement. Tout cela prépare ses muscles à la rééducation qui suivra l'opération, et assure les médecins qu'il n'y aura pas de récupération spontanée.

 

Regardez un extrait du reportage To walk again :

 

Remarcher en 19 mois

Vient ensuite l’heure de l’intervention : les cellules ont préalablement été cultivées. La solution obtenue est intégrée à un robot composé d’une micro-pompe et d’un manipulateur en 3 dimensions, qui sera chargé des injections. 4 greffons sont utilisés, composés de bandes de 12 mm, qui comblent la blessure de 10 mm. Après l’intervention, le programme de rééducation reprend. Les premiers progrès apparaissent au bout de 6 mois : les muscles du patient sont renforcés, le haut de son corps est plus stable. Il commence à parcourir de courtes distances sur des barres parallèles. A 11 mois, il retrouve de la force dans les jambes et peut marche sur de plus longues distances. 19 mois après, l’évolution est spectaculaire : Darek Fidyka est capable de marcher à l’aide d’un déambulateur, de conduire et de vivre de manière plus autonome. Cette réussite fait de lui la première personne à récupérer une telle fonction après une lésion totale de la moelle épinière.


« Plus important que les 1ers pas sur la Lune »

« Après la transplantation et la construction du pont nerveux, ce patient est passé d’ASIA A à ASIA C », résume le Dr Pawel Tabakow, de l’université médicale de Wroclaw (Pologne). Cette échelle sert à classer les blessures traumatiques de la moelle épinière. A signifie que la lésion est totale, C signale une blessure incomplète. La fonction motrice est en partie préservée, et au moins la moitié des muscles clé sont réactifs. « Avant la transplantation, nous estimions que sans ce traitement, les chances de récupération de notre patient étaient de moins de 1 %. Cependant, nous avons observé une récupération partielle des fonctions sensorielles et motrices, qui a commencé 4 mois après l’intervention », poursuit le Dr Tabakow.

 

« Nous pensons que cette procédure est une percée qui - à mesure qu’elle sera développée - va entraîner un changement historique dans les perspectives jusqu’ici bouchées des personnes handicapées par une blessure à la moelle épinière », conclut le Pr Geoffrey Raisman. Et d’ajouter, dans le reportage de BBC One, « c’est plus important que les premiers pas de l’Homme sur la Lune. »

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