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Cellule d'urgence

Un soutien médical contre le harcèlement sexuel

Le projet de loi sur le harcèlement sexuel punit les auteurs d'actes mais les victimes, elles, se sentent souvent perdues. Pour répondre à cette détresse, une cellule d'urgence tente de leur redonner confiance

Un soutien médical contre le harcèlement sexuel BARKLIE/REX FEATURES/SIPA

  • Publié le 13.06.2012 à 06h00
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« Tout se passait au mieux jusqu’au jour où mon patron m’a coincée physiquement contre un mur pour essayer de m’embrasser, témoigne Mathilde, 32 ans, cadre dans une société de services. J’ai eu très peur, car je ne m’y attendais pas du tout. J’ai réussi à me dégager et je suis rentrée chez moi, complètement déstabilisée… Il a réitéré ses avances. Puis face à mon refus, j’ai été mise à l’écart. »
Rapidement cette femme combative réussit à changer de travail. Mais, elle a subi plusieurs vagues de dépression et a fait une tentative de suicide. « Pendant plusieurs semaines, je n’ai pas osé en parler, même à mes proches ». Le cas de Mathilde n’est une exception. « Les victimes de harcèlement sexuel se trouvent dans une situation de grande détresse, explique Charles Peretti, chef des services de psychiatrie de l’hôpital Saint-Antoine et de l’hôpital Tenon à Paris. Les victimes sont parfois harcelées pendant des mois, elles subissent un stress très important. Il y a une atteinte à l’intégrité physique et phsychologique, une baisse de l’estime de soi, des troubles du sommeil, des idées suicidaires et des tentatives de suicide. »

Pr Charles Peretti, psychiatre, chef des services de psychiatrie de l’hôpital Saint-Antoine et de l’hôpital Tenon à Paris: « Être victime de harcèlement sexuel, cela a un véritable impact sur la santé »

 


Pour répondre à ces problèmes de santé, pour la première fois en France, une cellule de prise en charge psychologique a été créé à Paris, sous l’impulsion de Lydia Guirous, présidente de l’association  Futur, au féminin. « De nombreuses femmes sont victimes chaque année de harcèlement sexuel, explique la présidente de l’association créée en 2010. Jusque là, le monde associatif s’était engagé dans la prise en charge juridique des procédures de harcèlement mais jamais dans la prise en charge thérapeutique. Le partenariat original que j’ai monté avec le Pr Peretti vise à apporter une réponse concrète et efficace aux victimes en souffrance. »
De quoi s’agit-il ? D’un numéro vert, (0800 00 46 41) mis à la disposition des personnes victimes de harcèlement sexuel. « Une secrétaire prend les appels. Elle transmet ensuite à une trentaine de psychiatres et de psychologues des hôpitaux de Saint-Antoine et de Tenon, décrit le Pr Peretti. Chacun d’entre eux se chargera dans la journée ou le lendemain de prendre contact avec une des victimes qui a appelé pour un premier entretien d’évaluation. »

Pr Charles Peretti: « A la suite du premier entretien d’évaluation, il y a un diagnostic qui va être fait et une proposition thérapeutique sera décidée avec la personne. »

 

Après un harcèlement sexuel, un accompagnement médical, psychologique est important. Les spécialistes le constatent, être victime une fois augmente le risque de l’être à nouveau… Une étude américaine récente portant  sur 6000 femmes victimes d’agression sexuelle confirme ce risque. La moitié de ces personnes étaient victimes de plusieurs agressions et 20 % d’entre elles souffraient d’un syndrome post traumatique (PTSD).
« Cela s’explique par un sentiment de culpabilité développé par la victime. C’est un vrai danger, souligne le Pr Louis Jehel, chef de service de psychiatrie au CHU de Fort de France. C’est un élément important des troubles que peuvent ressentir les victimes d’agression ou de harcèlement qui doit pris en compte.»
« Les services judiciaires devraient aussi mieux prendre en compte ce sentiment de culpabilité, estime Ariane Bilheran, psychologue, dirigeante et consultante de la société Sémiode, auteure de plusieurs ouvrages sur le harcèlement. Quand une victime fait la démarche de plainte auprès des services de police, ce sentiment de culpabilité la dessert. L’officier de police se dit qu’elle a quelque chose à se reprocher. »

Le problème est que le harcèlement sexuel est encore une réalité tabou en France. « Les victimes ont souvent honte et préfèrent quitter l’entreprise, plutôt que de le signaler en interne,  constate Ariane Bilheran. Il m’est arrivée de rencontrer des femmes sans cesse humiliées, qui répétaient : « Ce n’est pas grave » et préféraient s’enfuir. Il faut plus de formation et de prévention dans ce domaine. Nous sommes à des années lumières du Québec par exemple. Cela fait déjà trente deux ans qu’il existe dans cette province du Canada un groupe d’aide et d’information sur le harcèlement au travail.»
Une réalité tabou qui s’explique par une défaillance sociale et un problème d’éducation culturelle, pour Ariane Bilheran. « Si le harcèlement s’exerce d’individus à individus, il ne faut pas oublier la dimension collective : le harcèlement est possible parce que dans un service, flotte un climat permissif, irrespectueux, sexiste », souligne Ariane Bilheran.
Et cela peut parfois prendre des formes délirantes. « Dans le cadre d’une réunion hebdomadaire de service dans une société, les salariées de ce service qui y assistaient ont eu la désagréable surprise de voir dans un diaporama, un montage photo pornographique qui les représentait », rapporte la psychologue. « Tout le monde se gausse. Et ça passe comme si de rien n’était. Ce type d’environnement ouvre la porte au harcèlement. Il y a une vraie problèmatique sociale et d’éducation culturelle à prendre en compte. »

La situation changera-elle en France ? Un nouveau projet de loi a été présenté cette semaine en conseil des ministres. Ce texte punit d’un an de prison et 15 000 € d’amende «le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle, soit portant atteinte à sa dignité, (…) soit créant un environnement hostile, dégradant ou offensant» . Il prévoit des circonstances aggravantes portant la peine à trois ans de prison et 45 000 € d’amende. 
Mais le texte suscite déjà des critiques de la part des associations comme l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT. C’est le terme «imposer» qui fait notamment réagir la déléguée générale, Marilyn Baldeck. «Il est parfois difficile de prouver au juge le fait que les actes ont été imposés ».

 

 

 

 

 

 

 

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