Les benzodiazépines (BZD) et les psychotropes sont les médicaments les plus consommés en France. Dans un communiqué de presse, l'Inserm (1) estime, qu'en France, 30 % des personnes âgées de 65 et plus en consomment. Les indications vont des troubles du sommeil aux symptômes dépressifs, en passant par l’anxiété.
Et depuis qu’ils sont largement utilisés, les chercheurs se penchent sur leurs éventuels effets secondaires dans la mesure où ils interagissent avec des neurotransmetteurs du cerveau.
De précédentes études ont déjà suggéré une augmentation du risque de démence consécutive à la prise de psychotropes. Parmi les questions qui restent en suspens, la différence d’effets potentiels des benzodiazépines à demi-vie courte (qui disparaissent de l’organisme en moins de 20 heures) versus celles à demi-vie longue. Une étude publiée dans Alzheimer’s and Dementia montre que ces dernières sont associées à un risque de survenue de démences.
Des somnifères dangereux toujours prescrits
Les chercheurs de l’Inserm dirigés par le neurologue Christophe Tzourio (2) se sont basés sur les données issues de l’étude dites des 3 Cités (Bordeaux, Dijon Montpellier), soit 8 240 personnes âgées de plus de 65 ans et suivies depuis plus de 8 ans. 830 nouveaux cas de démence ont été diagnostiqués lors du suivi.
« Il y a clairement une différence de signal entre benzodiazépines à durée de vie longue et celles à durée courte. Or les premières ont déjà été identifiées comme dangereuses chez les personnes âgées, notamment en raison du risque de chutes, et nous avons été étonnés de voir qu’elles étaient encore fréquemment consommées », explique Christophe Tzourio.
Une étude observationnelle
Plus inquiétant encore, les personnes âgées consommant des benzodiazépines de demi-vie longue ont un risque augmenté de 60 % de développer une démence (majoritairement de type maladie d’Alzheimer), sans que cela ne soit explicable par d’autres facteurs.
Les auteurs précisent toutefois qu'ils ont fait des analyses statistiques en profondeur permettant d’écarter certains biais et notamment le fait que la prise de benzodiazépines ait été la conséquence de symptômes initiaux de démence. Il soulignent néanmoins qu'il s’agit néanmoins d’une étude observationnelle ne permettant pas d’analyser les mécanismes de cette association. Ceux-ci devraient faire l’objet d’études physiopathologiques, d’imagerie, sur des modèles animaux, etc.
Pas de risque avec les BZD à demi-vie courte
Pourtant, malgré l’absence de certitude sur le mécanisme « le doute est suffisant pour encourager médecins et patients à trouver des formes alternatives pour les troubles du sommeil des personnes âgées qui sont le motif principal de prescription de ces médicaments : conseils hygiéno-diététiques, produits non médicamenteux, et au maximum les médicaments les moins dangereux comme les benzodiazépines à demi-vie courte », confie Christophe Tzourio. Ce professeur d'épidémiologie à l'Université du Bordeaux précise en plus qu'avec ces derniers médicaments, le risque d'Alzheimer était nul. « Il n'y avait aucune augmentation ! »
« Nos résultats suggèrent au minimum une vigilance renforcée de tous, en particulier des médecins et des autorités de santé, pour éviter cette consommation de benzodiazépines à demi-vie longue chez les personnes âgées », rajoute-t-il. « Le signal sur l’ensemble des psychotropes, comprenant les antidépresseurs, est à confirmer par d’autres études mais il amène lui aussi à une inquiétude sur l’ensemble de ces produits et pas uniquement les benzodiazépines », conclut l'équipe.
(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale
(2) Unité Inserm 897 « Centre de recherche Epidémiologie et biostatistique » à l’Université de Bordeaux