Lactalis "ne peut pas exclure que des bébés aient consommé du lait contaminé" entre 2005 et 2017, concède ce jeudi aux Echos le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier. A l’époque, la salmonelle Agona était déjà "confinée dans les infrastructures de la tour numéro 1" de l'usine, pécise-t-il. La bactérie était donc déjà présente dans les locaux qui appartenaient à la société Celia, avant d’être rachetés l'année suivante par Lactalis. Douze ans donc que la même bactérie perdure dans l'enceinte de l'usine où étaient fabriqués des produits alimentaires pour bébés. Cette information pousse le public à s'interroger : combien de bébés ont été contaminés par la salmonelle Agona ces douze dernières années sans que personne ne s'en aperçoive ou ne le signale ?
L’Institut Pasteur a recensé 25 cas "sporadiques" de salmonellose liés au lait Lactalis entre 2006 et 2016. "On a d’abord prouvé que la même bactérie de type salmonella agona était en cause dans les deux épidémies de salmonellose, de 2005 et 2017. Et on s’est demandé où avait pu résider la souche pendant les douze années entre-temps", a déclaré François-Xavier Weill, bactériologiste et directeur du Centre national de référence salmonelles à Pasteur, cité par La Nouvelle République. Selon lui, "la seule hypothèse possible scientifiquement, c’est qu’elle (soit) restée dans l’usine en question". Et d'ajouter : "C’est extrêmement difficile de retrouver si c’est le cas. Mais l’ADN parle très clairement, et il oriente vers cette usine".
Lactalis pointe la responsabilité d'un laboratoire extérieur
En 2017, des travaux ont été entrepris dans les bâtiments. Des cloisons ont été cassées, ce qui aurait libéré la bactérie qui s’est ensuite propagée librement. Emmanuel Besnier affirme que les produits ont toujours été "conformes aux exigences sanitaires" et pointe la responsabilité du laboratoire extérieur qui a mené 16 000 analyses en 2017 sur les produits finis sans rien déceler. "Nous nous posons beaucoup de questions sur la sensibilité des analyses faites par ce laboratoire. Nous avons beaucoup de mal à comprendre comment 16 000 analyses réalisées en 2017 ont pu ne rien révéler. Nous avons des doutes sur la fiabilité des tests. Ce n'est pas possible qu'il y ait eu zéro positif".
De nombreux enfants encore malades
Certains des enfants contaminés par des salmonelles après avoir consommé du lait Lactalis ont toujours des problèmes de santé plusieurs semaines après l’infection initiale ont affirmé le 26 janvier, les membres de l’Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS) lors de leur conférence de presse. "Beaucoup d’enfants font des rechutes, c’est quasiment systématique", a ainsi témoigné Ségolène Noviant, vice-présidente de l’AFVLCS. Elle a ainsi rapporté plusieurs fois que son propre fils, contaminé par le lait Lactalis avec une gastroentérite à Salmonella initialement, a fait plusieurs rechutes de diarrhée et de fièvre et une 4e hospitalisation serait prévue le 30 janvier. Il aurait également eu une bronchiolite en janvier. Il ne serait pas le seul dans ce cas, d’après l’association qui reçoit de nombreux appels.
Pour Quentin Guillemain, président l’Association des familles de victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS), il est évident que plus de 25 bébés ont été contaminés : "la souche de salmonella agona est identifiée dans le test seulement si le laboratoire qui l’effectue est référencé par l’Institut Pasteur et seuls 1.200 le sont en France. Sans oublier les enfants non diagnostiqués malgré les symptômes convergents".
Les gastro-entérites à salmonelles ne sont pas bénignes
Selon cette étude portant sur un modèle d’intoxication alimentaire de type humain sur des souris saines et publiée par le Sanford Burnham Prebys Médical Disvorery Institute dans la revue Science, les infections à répétition pourraient provoquer une maladie inflammatoire chronique de l’intestin ou du colon. L’étude a duré près de huit ans : chaque souris a reçu une dose de bactéries de type Salmonella bénigne en très faible quantité et sans risque vital, mais une inflammation de l’intestin est apparue et a augmenté chez toutes les souris au fil de la répétition des intoxications. Les chercheurs ont pu aussi constater que même en arrêtant de provoquer ces infections, l’inflammation de l’intestin ne disparaissait pas. Le mal était fait. La maladie inflammatoire du colon et de l’intestin était lancée.