Surgelés, yaourts fruités, snacks, plats cuisinés congelés ou non... une avalanche de produits "ultra-transformés" par l'industrie agro-alimentaire occupe une très large place dans les linéaires nos supermarchés et dans nos assiettes.
Ajout de sel, de sucre, de conservateurs, de graisses, de très nombreux additifs (nitrite de sodium, dioxyde de titanium...), tous ces composants altèrent ou détruisent les qualités nutritionnelles d'aliments qui sont très consommés en France et dans le monde. Les processus industriels utilisés détruisent aussi les fibres normalement contenues dans les aliments, réduisant également la quantité finale de fibres consommées dans l'alimentation.
Une nouvelle étude, réalisée en France (cohorte NutriNet-Santé), associant des chercheurs de l’Inserm, de l’Inra et de l’Université Paris 13 et publiée dans le British Medical Journal suggère que la consommation d’aliments dits "ultra-transformés" accentue le sur-risque de cancer : une augmentation de 10% des aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire est ainsi associée à une augmentation de 12% du risque global de cancer et de 11% du risque de cancer du sein. Aucune association significative n'est trouvée pour le cancer du colon ou de la prostate.
Selon un rapport de l’Insee, la part des produits ultra-transformés à base de viande, de poisson et de légumes a plus que doublé ces dernières années, pour atteindre 41 % en 2006 en France, au détriment des produits demandant davantage de préparation personnelle. Aujourd’hui, elle représenterait 80% de notre consommation alimentaire.
La malbouffe ouvre la voie au cancer du sein
Les habitudes alimentaires de 104 980 français, âgés en moyenne de 43 ans, ont été suivis pendant 8 ans, entre 2009 et 2017 : 228 cas de cancers ont été diagnostiqués (108 mortels et 739 du sein). Les personnes suivies dans la cohorte NutriNet-Santé ont rempli un questionnaire en ligne sur 24 heures au moins 2 fois permettant dévaluer la consommation de 3 300 aliments différents.
Une augmentation de 10% de la proportion d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire est associée à une augmentation de 6 à 18% du risque de développer un cancer en général et de 2 à 22% pour le risque de cancer du sein. Plus spécifiquement, "les graisses et sauces ultra-transformées et les produits et boissons sucrées sont associés à un risque accru de cancer globalement, et les produits sucrés ultra-transformés étaient associés à un risque de cancer du sein", selon les auteurs.
Consommation d’aliments ultra-transformés et risque de #Cancer : 1 première étude qui alerte mais qui doit être confirmée par d'autres investigations https://t.co/6CfvYUSCIN pic.twitter.com/ZaHJeAvuBl
— Inserm (@Inserm) 15 février 2018
Présentation de ces aliments dits "ultra-transformés"
La catégorie "ultra-transformée" de la classification internationale Nova comprend : les sucreries, les desserts, les plats préparés, les gâteaux apéro, les boissons sucrées, les viandes transformées telles que les boulettes ou les nuggets, les soupes industrielles, les pâtes ou encore les plats surgelés. En gros, tous les produits transformés avec l'ajout d'un conservateur qui n'est pas le sel (nitrites...). Selon la classification Nova (reconnue par la FAO et la Pan American Health Organization) qui répertorie les aliments selon leur degré de transformation industrielle, ceux-ci sont tous ultra-transformés.
Entrent également dans cette catégorie la pâte à tartiner, les gâteaux, les barres énergétiques, les saucisses, les poissons reconstitués, certaines marques de céréales, les boissons aux fruits, les yaourts aux fruits, les hamburgers, les hot dog, les pains emballés, la margarine ou encore, les préparations pour nourrissons (petits pots, purée...). Globalement, les aliments ultra-transformés sont ceux que l'on ne trouve pas dans la nature. Elles sont une création de l'industrie agro-alimentaire. Toutes ces denrées sont chargées en sucres et en calories et sont parallèlement peu satiétantes, c'est-à-dire qu'elles ne donnent pas de sensation de satiété et ont tendance à être plus consommées.
Les habitudes de vie d'une société pressée
Le succès de ces produits réside essentiellement dans le fait qu’ils sont peu coûteux et faciles à consommer. Un avantage non négligeable dans une société pressée, obsédée par les échéances, le gain de temps et les résultats instantanés. Aujourd’hui, les aliments ultra-transformés contribuent à plus de la moitié des apports énergétiques de la France, l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis ou encore le Royaume Uni.
De l'aveu même de ses auteurs, cette étude observationnelle ne constitue qu’un premier pas et "mérite une exploration attentive et plus poussée. Le lien de cause à effet "reste à démontrer", nuance l’Inserm, en l'absence d'intervention directe sur l'alimentation. D'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte comme "par exemple, le tabagisme et une activité physique faible" qui "étaient bien plus répandus chez les participants qui consommaient une plus grande proportion d’aliments ultra-transformés", même si l'analyse a été ajustée en prenant en compte ces facteurs.
L'industrie agro-alimentaire s'est engouffré dans la brèche pour en relativiser les résultats. Mais la prise en compte des facteurs confondants veut dire que les chercheurs ont tenu compte dans leur analyse statistique de l'impact éventuel des autres facteurs qui peuvent être eux-mêmes responsables de cancer. C'est ce que l'on appelle un "ajustement". Certes, il ne s'agit pas d'une étude prospective comparative entre consommation de produits naturels et de produits ultra-transformés, et personne ne payera pour en faire une, et surtout pas l'industrie agro-alimentaire, mais c'est une très large étude, prolongée sur 8 ans, sur une population bien identifiée d'un registre français avec des analyses diététiques scientifiquement bien conçues. Les résultats doivent donc être sérieusement pris en compte, d'autant qu'ils sont convergents avec d'autres études.
Pourquoi sont-ils dangereux pour la santé ?
Dans son livre "Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons vrai", le docteur Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et holistique, fait le parallèle entre la nourriture industrielle et la prévalence des maladies chroniques. Il définit par ailleurs les aliments ultra-transformés comme des produits "dont on ne peut même pas reconnaître l’origine naturelle tellement (leur) matrice est modifiée". A ne pas confondre donc, avec les aliments peu transformés, les produits normalement transformés et les produits ultra-transformés.
"Il faut réaliser que l'explosion des maladies chroniques dans les pays occidentaux a été concomitante avec l'arrivée massive des aliments ultra-transformés dans les grandes surfaces depuis les années 1980" explique-t-il. Selon lui, l'aspect visuel de ces produits est travaillé pour séduire les consommateurs. "Les industries cherchent à redonner aux aliments ultra-transformés un goût et une couleur perdus lors du processus de déstructuration. Cela explique en partie qu'ils soient bourrés d'additifs." Mais ce n'est probablement pas la seule cause : l'ajout de substances dont certaines sont toxiques (nitrite de sodium, dioxyde de titanium...), les emballages qui peuvent libérer des substances toxiques (bisphénol A dans les emballages en plastiques...) et la modification de la flore intestinale, le microbiote, sont probablement impliquées dans ces problèmes.
Au final, le Dr Fardet conseille de ne pas consommer plus de deux portions d'aliments ultra-transfomés par jour : "Je n'y suis pas farouchement opposé. Simplement, je pense qu'il faut prendre conscience qu'il ne faut surtout pas en abuser au risque d'être victime de divers maux chroniques". Le nutriscore est d'autant plus nécessaire, mais surement pas suffisant.