Des millions de personnes sont atteintes de psychoses à travers le monde. Si la schizophrénie est la maladie mentale la plus connue, les épisodes psychotiques peuvent, entre autres, intervenir dans un contexte d’épisode maniaque chez une personne bipolaire. Ainsi, les professionnels de santé peinent souvent à distinguer les deux maladies chez un patient en crise. Toutefois, des chercheurs néerlandais ont découvert des différences entre les cerveaux de personnes issues de familles avec des antécédents de schizophrénie ou de troubles bipolaires. Les résultats de leur étude sont parus ce mardi 20 août dans la revue Biological Psychiatry. A terme, cette découverte pourrait aider à prévenir plus efficacement les risques de développer une maladie mentale.
La schizophrénie et les troubles bipolaires sont des maladies génétiques. Ainsi, les membres d’une même famille partagent des facteurs de risque et l’exposition aux événements de la vie augmentent, ou pas, le risque de développer la maladie. "Nous nous sommes intéressés à la relation entre ce risque augmenté de schizophrénie et de troubles bipolaires et le développement du cerveau", explique Sonja M.C. de Zwarte, auteure principale de l’étude du Centre Médical de l’Université d’Utrecht dans les Pays-Bas.
Les chercheurs ont ainsi pu observer que les proches de patients atteints de troubles bipolaires avaient des volumes inter-crâniens plus larges, tandis que les parents de schizophrènes avaient des volumes cérébraux plus petits comparés à des participants issus de familles sans antécédents de troubles mentaux. Ainsi, "cela peut impliquer que les trajectoires neuro-développementales conduisant à des anomalies cérébrales dans la schizophrénie ou le trouble bipolaire sont distinctes", notent les chercheurs.
Mieux comprendre comment le risque de maladie affecte le cerveau
"La taille du volume intracrânien est considérée comme un marqueur du développement précoce du cerveau. Ainsi, nos résultats suggèrent que le risque familial de ces troubles influence le développement du cerveau dès le début de la vie, et d'une manière différente", développe Zwarte.
Les chercheurs ont également constaté des différences dans les anomalies cérébrales en fonction du degré de parentalité avec un malade. Les parents au premier degré partageant environ 50% de leurs gènes, les facteurs de risque environnementaux contribuent également aux anomalies cérébrales des membres de la famille.
Ainsi, cette étude, la plus large jamais réalisée sur le sujet, démontre l'intérêt d'étudier les proches de personnes atteintes de troubles psychiatriques pour mieux comprendre comment le risque de maladie affecte le cerveau. A terme, cette approche pourrait permettre d’éviter le développement de troubles mentaux, espèrent les chercheurs.
"L’importance potentielle de ces distinctions catégoriques"
Pour John Krystal, MD, rédacteur en chef de Biological Psychiatry, les différences de développement cérébral entre les troubles seront un facteur important à prendre en considération dans les futures études d'imagerie cérébrale des troubles psychiatriques. "L'accent récemment mis sur les caractéristiques dimensionnelles du diagnostic croisé des troubles psychiatriques a désaccentué d'importantes distinctions catégorielles complémentaires. Cette étude d'imagerie génomique nous rappelle l'importance potentielle de ces distinctions catégoriques", conclut-il.
A l’heure actuelle, la schizophrénie concerne environ 0,7% de la population mondiale, dont 600 000 personnes en France. D’après l’Inserm, elle se déclare le plus souvent à l’adolescence, entre 15 et 25 ans. Dans 35 % à 40 % des cas, elle se manifeste par des débuts aigus, avec des bouffées délirantes. Outre les délires et les hallucinations, les malades ont tendance à s’isoler, à tenir des propos incohérents et à être dans l’incapacité totale de planifier des tâches simples, ce qui rend leur quotidien extrêmement difficile.
Les troubles bipolaires quant à eux, font partie des troubles de l’humeur au même titre que la dépression récurrente. Dans sa forme la plus typique, la maladie comporte deux phase : la phase maniaque (le sujet est hyperactif et euphorique) et la phase dépressive (le sujet est ralenti et n’a goût à rien). "En France, les troubles bipolaires sont sous-diagnostiqués. Il faut en moyenne 10 à 12 ans et quatre à cinq médecins différents avant qu’ils ne soient nommés. De même, on estime que 40 % des dépressifs sont en réalité des bipolaires qui s’ignorent", alerte le site troubles-bipolaires.com.