C’est une étude aux résultats inédits et inquiétants : les personnes ayant survécu à une crise cardiaque et celles présentant un grand nombre de facteurs de risque de maladies cardiovasculaires auraient un risque accru de développer un cancer.
“C'est un double coup dur. Les maladies cardiaques et le cancer sont les deux principales causes de décès aux États-Unis. Nous reconnaissons maintenant qu'ils sont intimement liés, explique Emily Lau, autrice principale des travaux, qui seront présentés lors des sessions scientifiques de l’Americain Heart Association, à Philadelphie. Cela nous indique qu'en tant que médecins, nous devrions faire preuve d'agressivité pour tenter de réduire les facteurs de risque cardiovasculaire, non seulement pour prévenir les maladies cardiaques, mais aussi pour tenir compte du risque de cancer en même temps.”
Un risque de cancer entre trois et sept fois supérieur
L’étude est d’autant plus alarmante qu’elle est vaste : au total, les chercheurs ont évalué les données de 12 712 participants âgés en moyenne de 51 ans, et ne présentant pas de maladie cardiovasculaire ou de cancer au début de l’étude. À l’aide d’un estimateur du risque de maladie cardiovasculaire développé par l'American Heart Association/American College of Cardiology (ASCVD), et en prenant en compte les biomarqueurs libérés dans le sang quand le cœur est endommagé, les chercheurs ont pu prédire le risque de maladie cardiaque des participants jusqu’à dix ans.
Ces derniers ont ensuite été suivant pendant près de 15 ans. Durant cette période, 1 670 cas de cancer ont été enregistrés (19 % gastro-intestinaux ; 18 % du sein ; 16 % de la prostate ; 11 % du poumon).
En croisant l’ensemble des données recueillies, les chercheurs ont constaté que les participants présentant un risque ASCVD sur dix ans de 20% ou plus étaient plus de trois fois susceptibles de développer tout type de cancer que ceux présentant un risque de 5% ou moins sur la même période.
Autre constat : les personnes ayant développé une maladie cardiovasculaire (crise cardiaque, insuffisance cardiaque ou fibrillation auriculaire) au cours de la période de l'étude présentaient un risque sept fois plus élevé de cancer subséquent que celles qui n'ont pas eu d'accident cardiaque.
Le biomarqueur de l’insuffisance cardiaque, annonciateur d’un futur cancer
Enfin, les participants présentant des taux élevés de BNP, un biomarqueur de l’insuffisance cardiaque, étaient plus susceptibles de développer un cancer dans les quinze ans. “Je pense qu'il est intéressant de noter que le BNP, un marqueur cardiaque lié au risque d'insuffisance cardiaque, est depuis associé au risque de cancer. Actuellement, nous utilisons le BNP pour déterminer si une personne a développé une insuffisance cardiaque à partir de médicaments de chimiothérapie utilisés pour traiter le cancer, précise Tochi M. Okwuosa, professeur associé à la Rush University de Chicago. C'est la première étude qui a montré qu’un taux élevé de BNP est associé au risque futur de cancer.”
Si les auteurs de l’étude reconnaissent qu’il s’agit ici d’une étude d’observation, et qu’elle ne prouve donc pas la cause et l’effet, elle montre cependant qu’il existe bien un lien entre les maladies cardiovasculaires et le cancer. Ces deux maladies “partagent bon nombre des mêmes facteurs de risque, comme le tabagisme, une mauvaise alimentation et le manque d'activité physique. La prochaine étape consiste à identifier les mécanismes biologiques qui déterminent le lien entre les maladies cardiovasculaires et le cancer”, conclut Emily Lau.