Le nouveau coronavirus “pourrait ne jamais disparaître”. Alors qu’une partie du monde, dont la France, entame son déconfinement, de plus en plus d’experts craignent que le SARS-CoV-2 ne s’éternise et que l'on doive apprendre à vivre avec. Lors d’une conférence de presse qui s’est virtuellement tenue à Genève (Suisse) mercredi 13 mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rejoint ces inquiétudes. “Nous avons un nouveau virus qui pénètre la population humaine pour la première fois et il est en conséquence très difficile de dire quand nous pourrons le vaincre”, a ainsi déclaré Michael Ryan, directeur des questions d’urgence sanitaire à l’OMS, à l’heure où le bilan mondial s’approche des 300 000 morts. “Ce virus pourrait devenir endémique dans nos communautés”, a-t-il prévenu, alarmiste.
Cinq mois après l’apparition de l’épidémie de Covid-19 en Chine, de nombreuses inconnues subsistent autour du nouveau coronavirus. La principale zone d’ombre concerne l’immunité. Il semblerait, en l'état actuel des connaissances, que ce soit plutôt des rechutes que des ré-infections. C'est-à-dire que l'on fait un premier épisode avec de la fièvre. On se rend compte qu'on a le virus et puis pendant quelques jours tous les symptômes disparaissent, et au bout d’une à deux semaines, les symptômes réapparaissent. On a vu quelques cas avec des personnes qui avaient de nouveau des symptômes, mais beaucoup moins fort qu'au début. Quand on refait une PCR, on se rend compte qu'il y a toujours du virus. Alors, est-ce que le virus a persisté à l'état beaucoup plus faible pendant quelques semaines et puis, s'est remis à se multiplier ? On ne sait pas”, résumait Karine Lacombe, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris à Franceinfo le 20 avril.
“Si c'est une infection, c'est-à-dire qu'on l'a attrapée une fois, qu'on n'a pas développé d'anticorps protecteurs et qu'on la ré-attrape parce qu'on n'est pas protégé, alors ça change complètement la donne, parce que ça veut dire qu'on n'aura plus d'immunité collective autre que par celle qu'on peut acquérir avec un vaccin”, s’inquiétait-elle.
“Quatre ou cinq ans” avant de pouvoir envisager de contrôler l’épidémie ?
Aussi, le monde entier compte sur un vaccin pour combattre le SARS-CoV-2. Pour mettre au point un sérum capable de protéger la population mondiale contre ce virus, il faudrait entre 12 et 24 mois. Toutefois, à cette étape de la recherche, il faut rajouter le temps nécessaire pour le mettre à disposition du monde entier, rappelle l’OMS. Qui plus est, les rivalités émergentes entre Etats dans la course au vaccin pourraient sérieusement compliquer le processus… “On avait des vaccins très efficaces contre la rougeole (…) Mais par manque de volonté politique et par manque de détermination pour enquêter sur les systèmes de santé (…) nous n'avons pas pu éliminer cette maladie”, rappelle Michael Ryan, prudent.
Si on prend en compte les incertitudes concernant l’efficacité d’un vaccin contre la Covid-19, son efficacité, sa sécurité et sa production et sa distribution équitable, l'Indienne Soumya Swaminathan, scientifique en chef de l'OMS, mise sur “quatre ou cinq ans” avant de “pouvoir envisager de contrôler” l’épidémie, explique-t-elle au Financial Times. En espérant que le SARS-CoV-2 ne mute pas au point de rendre le vaccin obsolète. Ainsi, les experts de l’OMS se refusent à dévoiler un agenda précis sur l’évolution de l’épidémie et préfèrent mettre en garde contre toute éventualité.
Un virus saisonnier ?
Récemment, des chercheurs d’Harvard ont publié dans la revue spécialisée Science une étude assez inquiétante sur la question. D’après leur modélisation, “si l'immunité au CoV-2 du SRAS est permanente, le virus pourrait disparaître pendant cinq ans ou plus après avoir provoqué une flambée majeure”. En revanche, si elle s’avérait durer moins d’un an comme celle du rhume, la maladie pourrait revenir chaque hiver à partir de 2025, fin prévue de la période endémique. “Si l'immunité au SARS-CoV-2 diminue de la même manière que celle des coronavirus apparentés, des épidémies hivernales récurrentes sont susceptibles de se produire dans les années à venir”, expliquent les scientifiques.
C’est pourquoi, aux Etats-Unis, pays le plus touché au monde avec un total de 84 000 morts, les experts s’attendent au pire dans les mois qui succéderont à l’été (il est possible que la chaleur et l’humidité affaiblissent temporairement le virus). D’après Rick Bright, un haut responsable sanitaire récemment limogé par le président Donald Trump, il risque d’avoir une “recrudescence des cas à l’automne. 2020 sera l’hiver le plus sombre de l’histoire moderne”, a-t-il prévenu.